La féminisation de la culture reste lente, très lente…
Si des signes d’amélioration sont visibles ici et là, la féminisation des professions culturelles reste lente. Tel est le constat dressé par le dernier rapport du ministère de la culture. Oui, les effectifs se rapprochent de la parité, mais à condition que les femmes présentent des atouts les démarquant de leurs confrères masculins, comme l’origine sociale et le niveau de diplôme, ou qu’elles postulent dans des professions qui attirent moins les candidats. Décryptage.
En matière de culture, les femmes sont championnes. Plus présentes au sein des équipements culturels, elles sont plus nombreuses à pratiquer des activités artistiques en amateur. Mais qu’en est-il du point de vue professionnel ? Malgré ce surinvestissement personnel, la part des femmes dans les métiers culturels reste aujourd’hui minoritaire (43 % en 2013). Le rapport intitulé La lente féminisation des professions culturelles, publié par le ministère de la Culture et de la Communication, note que, s’il y a eu progression (39 % en 1991), cette féminisation reste lente. L’évolution est similaire à celle de l’ensemble du monde professionnel, mais reste inférieure à la moyenne nationale (48 % de femmes actives en 2013).
Féminisation sous conditions
La féminisation lente de la culture se réalise par ailleurs de façon peu homogène. Surtout, le rapport souligne qu’elle est conditionnée. Pour réussir à percer, notamment dans les professions traditionnellement plus masculines, les femmes doivent présenter de nombreux atouts comme l’origine sociale (le fait d’avoir un père cadre, par exemple) ou le niveau de diplôme. « En 2013, plus d’une active de ces professions sur deux est titulaire d’un diplôme égal ou supérieur à bac + 3, contre 40 % de leurs homologues masculins », indique le rapport. Ce fait a pour corollaire la féminisation des professions où les modalités d’accès exigent l’obtention d’un diplôme. « L’introduction d’un plus grand formalisme dans leur accès : création de formations qualifiantes et de diplômes spécialisés, énoncé de règles formelles régissant l’accès à ces formations professionnelles, définition des modalités de recrutement », favorise en effet l’entrée des femmes sur certains secteurs, comme les métiers d’art ou d’architecte, encore très masculins dans les années 1990.
La cooptation ne favorise pas les femmes
En revanche, la féminisation est moins visible dans les professions qui ont peu connu de normalisation de ce type, comme les professions techniques du spectacle. En 2013, les femmes ne représentent qu’un quart à un tiers des effectifs de ce secteur malgré le doublement de la population. Pour les rédacteurs du rapport, pas question d’incriminer le caractère pénible physiquement, la technicité des tâches ni même la plasticité des horaires de travail de cette famille de métiers. Ces caractéristiques sont propres à d’autres professions du monde culturel plus largement investies par les femmes, comme les métiers artistiques du spectacle. Le document évoque des freins plus invisibles : « L’accès à certains [de ces métiers], au contraire, reste peu formalisé […] et surtout, les modalités de recrutement font une large place à la cooptation par les pairs, au sein de réseaux professionnels essentiellement (voire exclusivement) masculins. »
La place était libre…
Comme autres raisons expliquant une féminisation lente des métiers culturels, le rapport indique encore la surreprésentation masculine au sein des instances professionnelles (syndicats, coordinations, groupements), ou encore une sorte d’autocensure, avec notamment « l’anticipation d’une plus grande difficulté à s’insérer durablement dans ces métiers ».
Quant aux autres professions qui se sont féminisées de façon plus marquée, il s’agit – pour beaucoup – de celles qui ont connu une croissance modérée de leurs effectifs globaux (artistes plasticiens, photographes, journalistes, architectes) ou, comme le précise le rapport, une décroissance de ceux-ci, comme dans le cas des métiers d’art. De là à dire que les femmes ont pu occuper les places laissées vacantes par les hommes, il n’y a qu’un pas. Les principaux résultats de l’étude seront présentés au ministère lors d’une rencontre, le mardi 22 novembre prochain. De quoi prolonger le débat…
Chloé GOUDENHOOFT