Une fresque numérique permanente dans une église de Paris : une première mondiale !

Une fresque numérique permanente dans une église de Paris : une première mondiale !
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L’audiovisuel est-il l’avenir de l’art religieux ? La question est posée depuis l’inauguration de la première fresque numérique permanente du monde, le dimanche 9 octobre dernier, en l’imposante église Sainte-Jeanne-de-Chantal à Paris. Beaucoup connaissent l’église sur le rond-point de la Porte de Saint-Cloud ; rares sont ceux qui en poussent la porte… Nous l’avons fait, pour découvrir cette œuvre tout à fait étonnante, mêlant les arts plastiques et l’innovation technologique.

Lorsque le père Arnaud Bancon arrive à Sainte-Jeanne-de-Chantal, il y a cinq ans, il remarque aussitôt les deux absides latérales non utilisées, où s’entassent balais et plantes vertes en décomposition. « J’arrivais d’une église très chargée, Notre-Dame-des-Victoires, et me suis retrouvé face à un grand vide élégant, se souvient le père Bancon. Comme je me sens à l’aise avec tout ce qui est pictural et visuel, j’ai très vite contacté la commission d’art sacré dont j’ai fait partie par le passé pour bâtir un projet. »

Une église qui embrasse les différentes formes artistiques du XXe siècle

Celui-ci repose initialement sur deux constats : d’une part la très grande majorité des paroissiens ne connaît pas la sainte patronne de l’église, d’autre part le baptistère, trop petit, ne permet plus d’accueillir l’assemblée. Les besoins liturgiques et pastoraux, « très pragmatiques », entrent alors naturellement en écho avec le désir du prêtre de déployer artistiquement la foi.

Au centre du chœur trône une majestueuse croix habillée de drapés en cuivre, réalisée par Jean Touret dans les années soixante-dix. Comment préserver l’harmonie, tout en s’inscrivant résolument dans le XXIe siècle ? « Je désirais que ce soit un projet figuratif et contemporain, explique le père Bancon, parce que les paroissiens ont soif de comprendre ce qu’ils voient, parce qu’il me semble également bon d’affirmer son époque. » Un appel d’offres est lancé en 2014 pour les deux chapelles latérales, la première destinée à la sainte, la seconde consacrée à la célébration des baptêmes : « Il y a une corrélation étroite entre le baptême et la sainteté, poursuit le prêtre. Nous voulions donc un projet qui s’en fasse l’écho, porté par des jeunes. » Le choix se porte sur un trio formé par le jeune architecte Nathan Crouzet, le peintre et sculpteur Jean-Louis Sauvat, connu pour ses fresques décorant les écuries de Bartabas, et l’historien Laurent Lecomte.

Le choix de l’intrépide jeunesse

Nathan Crouzet n’a que vingt-cinq ans en 2014, année de l’obtention de son diplôme. Le projet est démesuré, son désir tout autant. « Lorsque je suis entré à Sainte-Jeanne-de-Chantal, j’ai tout de suite vu ce que cette église a d’unique », confirme l’architecte. Le jeune homme a aussitôt l’intuition d’un projet mêlant peinture, sculpture et projection numérique. « Je me suis immédiatement rendu compte que ce côté technique, auquel je ne connaissais pourtant rien, apportait des possibilités incroyables », raconte le père Arnaud Bancon.

Dans chaque chapelle, deux grandes vasques de 1,80 m de diamètre – des chefs-d’œuvre d’artisanat – parfaitement symétriques : la première, sur laquelle siège à cheval sainte Jeanne de Chantal, est en bois ; la seconde, le baptistère, a été réalisée en cuivre par le dinandier et meilleur ouvrier de France Étienne Dulin. Sur les côtés, deux séries de sept tableaux peints par Jean-Louis Sauvat. L’architecte conçoit les espaces comme des ponts entre le culturel et le cultuel, entre l’émerveillement artistique et la contemplation spirituelle.

Des fresques qui vivent avec le temps

Fresque numérique de Sainte-Jeanne-de-Chantal (crédits : François Guenet)

Crédits : François Guénet

Les vidéo projecteurs utilisés – fabriqués par Christie – relèvent de la technologie de pointe. « Il s’agit d’une projection laser, ce qui permet à l’ampoule de ne pas chauffer et de durer 20 000 heures, c’est-à-dire quatre ans », explique Nathan Crouzet. Quatre filtres de couleurs, variant selon les temps liturgiques et les fêtes, entrent en résonnance avec les couleurs – le cuivre, le bleu et le blanc essentiellement – déjà présentes dans l’église. « En journée, les couleurs sont très douces, à peine perceptibles, reconnaît l’architecte. Mais la nuit ou encore l’hiver, à mesure que le temps passe, les chapelles se mettent à vivre intensément. »

Le mouvement des couleurs suit la vitesse des nuages, affleurant doucement, comme une caresse, sur les dessins au fusain de Jean-Louis Sauvat. Comme une toile de Mark Rothko qui serait en perpétuel mouvement. « Le numérique n’apporte pas tout, de manière artificielle, mais entre en dialogue avec la peinture, la sculpture et l’ensemble de l’espace liturgique », reconnaît le père Bancon. Il y a quelque chose d’éphémère, tant dans le dessin que dans les lumières, tel un voyage permanent qui guiderait le visiteur – paroissien croyant ou touriste athée – vers sa propre intériorité. « Ces espaces sont vivants, s’enthousiasme Nathan Crouzet. Les fresques pourront évoluer dans le temps, avec des possibilités de colorisation infinies, en fonction des désirs et des goûts artistiques de chaque époque. »

Vingt entreprises ont ainsi travaillé sur ce chantier qui a coûté près de 200 000 euros au total. Des tablettes numériques seront bientôt proposées aux visiteurs pour expliquer les tableaux et les différents procédés qui ont permis la mise en place de cette œuvre tout à fait unique et novatrice en France. « Le monde d’aujourd’hui et de demain sera de plus en plus numérique, prévoit Nathan Crouzet. L’utilisation de cette technique visuelle a donc toute sa place dans les églises aujourd’hui. »

Pierre GELIN-MONASTIER

 


Photo de Une : crédits François Guénet


 

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