L’accord Unedic est recalé : le feu aux poudres ?
L’accord s’annonçait historique… Il ne sera pas. Du moins, pas tel qu’il a été écrit le 28 avril dernier. S’il n’est pas surprenant que le Medef refuse d’avaliser l’accord, il n’est pas le seul à avoir émis des réserves : les syndicats CFE-CGC, CFDT et CFTC ont tous trois demandé à l’État de « garantir le respect de la trajectoire financière figurant dans le document de cadrage » s’il « souhaite l’entrée en vigueur de ce texte ».
Mise à jour : mardi 31 mai à 17h45.
Des mois de tension réglés par une entente collective… pour finalement réclamer d’en revenir à la fameuse lettre de cadrage qu’Audrey Azoulay qualifiait encore récemment de « provocation » ! L’accord avait pourtant été salué par Manuel Valls lui-même, dès l’annonce.
Les partenaires sociaux interprofessionnels, réunis hier après-midi pour la 7e séance de négociation sur l’assurance chômage, n’ont donc pas validé cet accord. Selon eux, l’accord signé le 28 avril dernier, non seulement pose des problèmes juridiques, mais ne tient absolument pas compte de la lettre de cadrage qui leur demande 185 millions d’euros d’économie, dont 80 millions assumés par l’État. Or cette validation est indispensable pour que l’accord intègre la nouvelle convention assurance chômage, dont l’entrée en vigueur est prévue pour début juillet.
Une décision qui risque de mettre le feu aux poudres
Alors que les révoltes battent son plein aux quatre coins de la France après l’utilisation en force du 49.3 par Manuel Valls, voilà une nouvelle qui risque de mettre le feu aux poudres. Les intermittents, déjà échaudés par la menace qui pesait sur eux au début de l’année, sont prêts à reprendre les occupations de théâtres et à perturber les festivals.
Si Force ouvrière demande l’entrée en vigueur de l’accord du 28 avril au 1er juillet, la CGT va plus loin en menaçant de perturber les festivals de l’été si cet accord ne l’était pas : « Si l’accord n’est pas mis en œuvre au 1er juillet, on va avoir de grandes raisons d’appeler à la grève et on n’attendra pas le 1er juillet. Nous avons des éléments très précis pour faire grève, y compris sur le montage des festivals qui commencent maintenant », a déclaré Denis Gravouil, secrétaire général de la CGT-Spectacle (majoritaire dans le secteur), à l’issue de la réunion.
En ligne de mire : le festival d’Avignon, qui commence dans un peu plus d’un mois. Certains parlent même de bloquer les retransmissions de l’Euro.
Samuel Churin, quant à lui, n’hésite pas une seconde : “La guerre est déclarée ! », titre-t-il son communiqué publié sur Facebook. « Nous devons lutter partout, par tous les moyens, poursuit le chef de file de la CIP-IDF. Nous nous battrons et nous gagnerons. »
Les tentatives désespérées d’un gouvernement fragilisé
Le gouvernement a aussitôt réagi, tentant d’apaiser des esprits qui ne sont plus prêt à l’écouter. Ce que Manuel Valls et ses ministres craignent par-dessus tout, c’est une nouvelle convergence des luttes qui risquerait d’englober de nombreux secteurs.
Dans un communiqué publié hier, Manuel Valls « prend acte de l’accueil » mitigé des partenaires sociaux interprofessionnels, mais promet de mettre en œuvre l’accord conclu par les syndicats et employeurs des intermittents du spectacle sur leur régime d’assurance chômage : « le gouvernement engagera dans les prochains jours la préparation de la mise en œuvre de l’accord à compter du mois de juillet 2016 avec l’Unedic, Pôle emploi et les professionnels du spectacle. »
Un cataplasme qui pourrait coûter cher à la profession
Comment Manuel Valls peut-il prendre à contrepieds les partenaires sociaux interprofessionnels ? En proposant de « prendre en charge au titre du fonds de professionnalisation et de solidarité, qui sera abondé à cet effet, certaines des mesures de l’accord ».
Si aucun chiffre n’a évidemment été donné en un délai aussi court, il convient de noter que cette solution avait été d’emblée écartée par la CGT-Spectacle, plusieurs mois auparavant. Pourquoi ? Parce qu’un accord garantit le long terme, tandis qu’une aide de l’État est nécessairement ponctuelle, donc susceptible de ne pas être renouvelée. Si les professionnels du spectacle s’en tireraient à bon compte cette année, ils risquent à terme de voir s’effondrer ce pour quoi ils se sont battus depuis des mois, voire plus.
Par ailleurs, dans un communiqué publié mardi 31 mai dans l’après-midi, la CGT-Spectacle refuse que l’État intervienne massivement « dans le financement d’un accord relevant de la solidarité interprofessionnelle ». Il n’est dès lors pas étonnant que le syndicat considère cette mesure comme « une manœuvre dilatoire pour torpiller l’accord ».
Si cela devait en rester là, l’été s’annonce chaud… très chaud.
Pierre GELIN-MONASTIER