9 octobre 1997 : À l’ombre du temps
Il y a 24 ans, Seiji Ozawa crée les Shadows of time du compositeur français Henri Dutilleux. Une intéressante et courte suite pour orchestre et chœur d’enfants, qui fait référence à Shakespeare, à Anne Frank ou encore au jazz.
Lorsqu’il présente, voici vingt-quatre ans, ses Shadows of time, Henri Dutilleux dit proposer des « allusions aux images éternelles d’événements lointains dont l’intensité, malgré la marque du temps, n’a jamais cessé de [le] hanter. » C’est pourquoi qu’Henri Dutilleux veut d’abord rendre hommage au jazz en imaginant une partition pour percussions, cuivres et voix de chanteuse noire.
Mais il change d’idée et compose une suite pour orchestre et chœur d’enfants (pour la partie « Mémoire des ombres », hommage à Anne Frank et aux enfants innocents, souvenir de la guerre, bien sûr), défilé des ombres (et des lumières… puisque pour faire de l’ombre, il faut de la lumière) de la vie de Dutilleux.
On compte six mouvements tous attachés : les « Heures » (réminiscence de ce que Dutilleux voulait faire en hommage au jazz, où les cuivres tiennent donc une place prépondérante) ; « Ariel le maléfique », hommage à Shakespeare que Dutilleux admire profondément ; la « Mémoire des ombres », dont j’ai déjà parlé, moment le plus poignant de l’œuvre ; un petit « Interlude », suivi de « Vagues de lumière » et, enfin, du très énigmatique « Dominante bleue », qui conclut l’œuvre.
Les commentateurs de l’œuvre de Dutilleux se sont beaucoup interrogés sur ce titre et sur sa signification. Certains y ont vu une marque d’hommage au blues… Mais Dutilleux lui-même a balayé cette interprétation par une boutade : s’il avait voulu rendre hommage au blues, il aurait laissé le titre en anglais… comme pour l’œuvre dans son ensemble ! On n’en saura donc pas plus, sinon que ce mouvement, assez hypnotique, nous amène à une conclusion très douce, presque imperceptible.
C’est un vieux complice de Dutilleux, Seiji Ozawa, qui crée cette œuvre à la tête de l’orchestre symphonique de Boston en 1997. Il en existe un enregistrement, mais que je n’ai pas trouvé dans son intégralité, elle est divisée en six sur YouTube. Pour vous donner une idée intégrale de cette œuvre intéressante (et par ailleurs relativement courte), j’ai donc choisi une autre interprétation par un autre grand serviteur de la musique contemporaine (accessible, celle-ci), Esa-Pekka Salonen.