8 novembre 1923 : Hommage d’une grande compositrice à “son cher papa”
Instant classique – 8 novembre 1923… 162 ans jour pour jour. Il y a 96 ans ce 8 novembre, le Psaume 130, mis en musique par Lili Boulanger est créé à Paris sous la direction d’Henri Büsser. Il y a du monde pour l’entendre, sauf son auteur.
Lili Boulanger avait quitté ce monde cinq ans auparavant. Elle n’avait pas vingt-cinq ans. On la connaît peu, même si une place de Paris porte son nom, aux côtés de celui de sa sœur aînée Nadia, autre compositrice, chef d’orchestre et l’une des plus grandes pédagogue du siècle dernier.
Lili est née en 1893, dans une famille de musiciens et son père Ernest avait été lauréat du prix de Rome. Elle montre très tôt d’étonnantes dispositions pour la musique et sait déchiffrer les partitions avant de savoir lire. Hélas, tout aussi précocement, on détecte chez elle les symptômes d’un mal qui allait la poursuivre impitoyablement dès ses deux ans jusqu’à l’emporter à ses vingt-quatre ans, et qui est dû à de graves complications de la maladie de Crohn. Si bien que Lili est vite prise d’un sentiment d’urgence, et compose une quarantaine d’œuvres sur une douzaine d’années, souvent d’inspiration religieuse. Elle dictera la dernière, un Pie Jesu, à sa sœur jusqu’aux toutes dernières heures de sa vie.
Entrée au Conservatoire à quinze ans, elle est la première femme à devenir elle-même prix de Rome en 1913. Elle part dans la Ville Éternelle l’année suivante mais n’y restera que quelques mois à cause de la guerre qui éclate. Très renommée dans les cercles artistiques, elle s’impose alors que tout était (déjà) si difficile pour les femmes et plus encore pour elle, constamment malade.
C’est pendant la guerre qu’elle compose ce Psaume 130, dédié à son « cher Papa ». Son père Ernest avait épousé à soixante-deux ans une jeune princesse et cantatrice russe qui lui avait donné quatre enfants dont seuls Nadia et Lili ont survécu. Si bien que Lili perdit son père alors qu’elle n’avait que sept ans.
C’est un psaume très sombre, « Du fond de l’abîme », parabole de ses propres souffrances, de son angoisse devant une issue irrémédiable, mais aussi pleine d’espoir et de lumière. Comme beaucoup de compositions de Lili Boulanger, il y a beaucoup d’énergie contenue et de clarté, de la tendresse et de la tristesse, de la solennité et de la nudité. C’est un vrai chef-d’œuvre trop méconnu, comme elle.
Toute sa vie, sa sœur Nadia, qui lui survivra plus de soixante ans, défendra inlassablement l’œuvre de sa petite sœur. Connue et reconnue elle aussi, elle dirige ici elle-même à l’âge d quatre-vingt-un ans le chœur et l’orchestre symphonique de la BBC. Poignant.