8 novembre 1822 : “C’est au diable de jouer cette pacotille !”
Schubert compose sur commande une œuvre virtuose : telle est la commande qu’on lui a faite. Le compositeur s’exécute si bien qu’il est incapable de la jouer lui-même ! Mission remplie, d’autant que cette fantaisie pour piano est un véritable chef-d’œuvre.
On ne sait pas de quand date exactement la grande fantaisie pour piano que Franz Schubert compose en novembre 1822. On peut penser qu’il la commence le 8 novembre, mais c’est purement arbitraire. J’avais envie de vous donner un peu de Schubert aujourd’hui.
Ce que l’on sait en revanche, c’est que Schubert répond alors à une commande – fait assez rare dans sa vie – de la part d’un riche amateur de piano, Emmanuel von Liebenberg, originaire de Zsittin et qui est un élève de Hummel.
La commande est simple : il veut une pièce virtuose. Ce n’est pas trop dans l’habitude de Schubert d’écrire des pièces uniquement virtuoses, mais il s’y plie de bonne grâce. Tant et si bien que la partition s’en trouve singulièrement complexifiée. Schubert lui-même n’arrive pas à la jouer. Plusieurs témoins parmi ses amis proches racontent qu’en essayant de la leur interpréter, Schubert s’est trouvé arrêté dans le dernier mouvement qui, il faut le reconnaître, est meurtrier. Il s’est alors levé de son siège, furieux, s’exclamant : « C’est au diable de jouer cette pacotille ! » Il a donc rempli son contrat. L’histoire ne dit pas ce que son commanditaire en a pensé, mais en revanche, elle nous dit ce que cette œuvre est devenue.
Ce n’est rien de moins que l’un des grands chefs-d’œuvre de Schubert pour le piano. Cette fantaisie pour « piano à deux mains » (détail étrange qui se comprend par le fait que les fantaisies pour cet instrument étaient généralement à quatre mains) s’est longtemps appelée comme telle, voire « Grande fantaisie ». Liszt l’orchestre sous ce nom une trentaine d’années plus tard.
Mais quelqu’un, un jour, a dû se rendre compte que Schubert a réutilisé dans l’adagio un thème du lied Der Wanderer, écrit six ans plus tôt. Il n’en a pas fallu plus pour que la fantaisie soit rebaptisée « Wanderer-Fantasie », nom qu’elle a conservé depuis.
L’œuvre comporte quatre mouvements qui se jouent sans interruption. Mais vous comprenez très vite, lorsque vous arrivez au fameux dernier mouvement, a fortiori si vous lisez la partition en même temps : on croirait qu’il y a deux pianos ou quatre mains…. Mais non il n’y a bien qu’un seul piano et deux mains. Notez que ça peut être deux qui en valent quatre, comme celles de Sviatoslav Richter…
Un jour… une œuvre musicale !
Rubrique : « Le saviez-vous ? »