8 juin 1937 : le cas Orff ou le « néo-néanderthalisme musical » (Stravinsky) ?
Instant classique – 8 juin 1937… 81 années jour pour jour. Difficile d’aborder les Carmina Burana » de Carl Orff (1895-1982) sans rappeler de quoi vient leur genèse…
Chef d’orchestre à Munich, puis Mannheim et Darmstadt, Carl Orff s’intéresse à la composition très tôt et imagine même un système d’éducation musicale à partir de l’étude du rythme, sous l’angle de la gymnastique et de la danse. En 1933, il publie un livre sur sa méthode pédagogique, baptisé Schulwerk (je laisse les germanistes traduire ce terme, assez difficile à rendre en français), alternative au solfège. Inutile de dire, au regard de l’année de parution du livre, que la hiérarchie nazie s’est emparée de cette théorie pour appuyer son exaltation forcenée de la discipline de la jeunesse allemande.
Parallèlement, redécouvrant les compositeurs anciens alors oubliés (de Claudio Monteverdi à William Byrd), Carl Orff propose sa vision d’une musique vue comme un retour aux sources. Propulsé par les nazis au rang de musicien officiel du régime, il participe – avec Richard Strauss d’ailleurs – à la composition de la musique et aux chorégraphies des jeux olympiques de 1936.
Toutes ses théories se trouvent résumées en musique dans Carmina Burana (« Chants de Beuren »), où Carl Orff recourt à un salmigondis de latin mélangé à des langues anciennes, germaniques et même franques, afin de célébrer une sorte de rite païen, sur une musique très simplifiée (d’aucuns diront simpliste) et très rythmée.
Ces chants proviennent de manuscrits moyenâgeux retrouvés à l’abbaye de Benediktbeuern, en Bavière, regroupant des centaines de poésies de toutes origines mêlant textes sacrés et odes à la gloire du plaisir, du vin et de l’amour, parfois dans des termes particulièrement crus.
Cette cantate, écrite en 1935-36, est donc créée à Francfort ce 8 juin 1937, avec un immense succès. Les nazis s’en emparent immédiatement pour symboliser leur « ordre nouveau », donnant à l’œuvre une réputation noire (ou plutôt brune) dont elle ne s’est jamais défaite, attirant notamment sur elle l’opprobre de très nombreux musiciens, dont Igor Stravinsky, comme on l’a vu plus haut, mais aussi de tous ceux qui y voient le symbole d’une musique totalitaire.
Pour autant, depuis 80 ans, cette œuvre est plébiscitée par le public : tous ceux qui ne connaissent pas grand chose à la musique classique connaissent Carmina Burana, au moins pour ses deux parties extrêmes, qui sont d’ailleurs presque les mêmes ; le fameux « O Fortuna » donne des frissons par sa puissance aux uns et des rejets pour son insondable vulgarité pour les autres. À tout le moins, il faut que cette œuvre soit servie par d’excellents interprètes, ce qui est le cas ici, Robert Shaw étant avant tout un grand chef de chœur. Voici donc les deux derniers mouvements de la partition « Ave Formosissima », hymne à Vénus, enchaînée au « O Fortuna » grandiloquent conclusif.