8 juillet 1799 : À la Nation française…
Instant classique – 8 juillet 1799… 221 ans jour pour jour. Depuis novembre 1797, Luigi Boccherini – considéré comme l’un des plus grands musiciens de son temps – vit dans le plus grand embarras. Lui qui était depuis onze ans au service du roi de Prusse, le très mélomane Frédéric-Guillaume II, voici qu’à la mort de celui-ci le nouveau roi l’écarte : « Le Roi fait savoir au sieur Boccherini […] que n’ayant pas besoin des services pour lesquels il tirait une pension du feu roi père de Sa Majesté, cette pension ne peut plus avoir lieu. »
Boccherini pouvait encore compter, dans un temps où un musicien pouvait difficilement se passer de mécène, sur la famille espagnole de la duchesse Benavente-Osuna, pour qui il organise des concerts à Madrid, où il réside depuis 1785. Las ! Le duc d’Osuna est nommé ambassadeur d’Espagne à Vienne puis à Paris. Sans soutien, Boccherini se tourne vers Paris lui aussi et essaie de vendre ses œuvres, notamment à Pleyel, avec qui les relations tournent vite à l’aigre.
Cependant, début 1799, il compose six quintettes avec piano, qui forment son opus 57. Le 8 juillet, il écrit une lettre au poète Marie-Joseph Chénier, frère de l’autre poète André et auteur du fameux Chant du départ. Cette courte lettre, rédigée en italien, lui donne l’occasion, à presque cinquante-sept ans, de proclamer son approche de la musique en forme de pré-testament artistique, la lettre s’achevant ainsi : « Je ne puis juger si j’ai fait quelque chose de bon, mais je sais bien que la musique est faite pour parler au cœur de l’homme ; et c’est à quoi je m’efforce de parvenir, si je le puis : la musique privée de sentiment et de passions est insignifiante ; d’où il résulte que le compositeur n’obtient rien sans les exécutants. ».
Il y indique dédier ces quintettes à la Nation française, en témoignage de la reconnaissance et de la gratitude qu’il éprouve pour cette « grande Nation ». Ils ne seront cependant pas publiés de son vivant, ni a priori jamais joués… La Nation est bien ingrate. Voici en tout cas le deuxième de ces six quintettes, plein du charme usuel de l’art de Boccherini.