8 avril 1894 : la symphonie-cathédrale de Bruckner
Instant classique – 8 avril 1894… 125 ans jour pour jour. Il a fallu plus de deux ans à Anton Bruckner pour achever ce qui constitue sans doute son œuvre la plus mystique, lui qui était si profondément croyant qu’il dédiera ensuite sa huitième symphonie à… Dieu.
La partition de la cinquième symphonie est donc achevée au début de l’année 1878 (il a alors cinquante-trois ans). Mais, alors même que pour une fois personne et pas même l’hésitant Bruckner lui-même, n’est venu corriger l’œuvre ni ouvrir une discussion musicologique sur les mérites de telle ou telle version, elle est créée sans son auteur seize ans plus tard à Graz, sous la direction de Franz Schalk.
Bruckner, qui meurt en 1896, est déjà trop malade pour y assister.
Cette 5e symphonie est une œuvre gigantesque de plus d’une heure et quart, un véritable monument (au sens architectural du texte, autant que musical), « ce que j’ai fait de mieux en matière de contrepoint », dit-il. C’est une œuvre difficile pour les orchestres et les chefs, car la question du tempo, la précision des attaques, l’alchimie des timbres en font une véritable course d’obstacles.
Elle qui n’est pas si facile à aborder livre pourtant à celui qui l’écoute un véritable trésor, comme ceux qu’on trouve cachés dans les vieilles pierres des cathédrales, et qui pénètre le cœur aussi sûrement qu’une lame. Ce trésor est, comme souvent chez Bruckner, blotti dans l’adagio. Les premières mesures, pendant un peu plus de deux minutes, sont comme un mystère, ponctué par les pizzicati et dessiné par les bois. Et soudain, on ouvre comme une porte et voici la lumière.
De grands chefs brucknériens, comme Jochum ou Celibidache, y ont signé de belles réussites parfois légendaires. C’est aussi le cas, en l’occurrence, de Karajan, dont j’ai choisi la version, la plus équilibrée et aussi la plus révélatrice du génie du compositeur dans cette œuvre incontournable.