5 avril 1938 : Rosenthal ne s’est pas foulé
Instant classique – 5 avril 1938… 82 ans jour pour jour. Offenbach en 1938 ? Il était allé faire son Voyage dans la lune depuis presque soixante ans, alors que pouvait-on encore bien créer de lui ce 5 avril 1938 à l’opéra de Monte-Carlo ? À la fois rien et tout.
Tout parce que la musique est entièrement de Jacques Offenbach et rien parce que cet arrangement est un collage de plusieurs de ses opérettes les plus fameuses, réalisé par Manuel Rosenthal. En fait, cette Gaîté parisienne est un ballet commandé d’abord au chef d’orchestre Roger Désormière, qui avait refusé de charcuter les œuvres du « Mozart des Champs-Élysées » comme on surnommait Offenbach.
On se tourne alors vers un autre chef d’orchestre et compositeur, Manuel Rosenthal, qui va réaliser ce délicat patchwork et réussir à lui donner une sorte d’unité, rien moins qu’évidente, avec un vrai argument à la clé, peuplé de filles-fleurs, de cocottes évidemment, de lionnes et autres femmes en vert qui flirtent avec un officier, un péruvien et quelques aristocrates plus ou moins dégénérés. Voilà qui est très offenbachien !
Leonid Massine – qui reprochera à Rosenthal d’avoir cédé à la facilité – signera la chorégraphie pour les balles de Monte-Carlo, et l’œuvre va rencontrer un succès phénoménal. C’est qu’on y trouve les grands thèmes de l’œuvre du maître alsacien, de la Vie parisienne aux Contes d’Hoffmann, en passant par Orphée aux Enfers, La Perichole et La Belle Hélène bien sûr, mais aussi des morceaux moins connus tirés de Tromb al Cazar, Vert-Vert ou Mesdames de la Halle.
Archétype de la musique qui donne de la France et de Paris en particulier l’image assez caricaturale du « cancan », ce collage de Rosenthal rencontrera un succès phénoménal, qu’avait prédit Stravinsky lui-même en voyant l’œuvre pour la première fois. Qui sait ce qu’Offenbach, qui n’a signé qu’un seul ballet (le très oublié Papillon en 1860), aurait pensé de tout ça, mais après tout c’est bien toute son œuvre qu’on traverse ici sans une ombre de mauvaise humeur jusqu’à l’inévitable galop infernal, évidemment, puis pour vous reposer un peu la tout aussi inévitable barcarolle.
Mettez vous donc en train (si j’ose dire !) grâce à cet extrait : l’inévitable cancan auquel Leonard Bernstein met le feu !