4 janvier 1894 : le quatuor à la beauté stupéfiante d’Antonín Dvořák
Instant classique – 4 janvier 1894… 125 années jour pour jour. Mais qu’allait donc faire Antonín Dvořák à Spillville, petit village de l’Iowa qui compte aujourd’hui 360 habitants ? Depuis l’année précédente, il résidait à New York où le conservatoire l’avait appelé pour le diriger avec, à la clé, un pont d’or.
Il avait emmené dans ses bagages un jeune violoniste, Josef Kovařík, comme secrétaire et assistant. Or, le père de ce jeune homme avait émigré aux États-Unis et dirigeait la chorale de l’église saint-Wenceslas de Spillville, où résidait donc une très forte communauté tchèque depuis une trentaine d’années. Antonín Dvořák y passa l’été 1893, retrouvant avec bonheur des sons familiers et une atmosphère qui lui manquait. Mais il allait découvrir aussi des sons nouveaux, des chants traditionnels noirs, de fête ou de deuil, qui allaient l’inspirer profondément.
Il en tire un quintette à cordes qu’il écrit entre fin juin et tout début août 1893, mais avant cela, l’un de ses plus grands chefs-d’œuvre, et l’un des plus beaux de toute l’histoire de la musique de chambre : son quatuor n° 12, baptisé depuis « Américain ». Il le compose très précisément entre le 8 et le 23 juin 1893 à Spillville et c’est le quatuor Kneisel qui le créera à Boston, ce 4 janvier 1894.
La partition, d’une beauté stupéfiante, est l’écho des influences dont je parlais plus haut, des bruits de fête, des moments douloureux, des chants, où il est impossible de ne pas reconnaître çà et là des negro-spirituals et des mélodies que l’on identifie comme américaines alors qu’elles puisent aussi leurs origines dans le folklore tchèque. On l’observera d’ailleurs également dans la célébrissime symphonie du Nouveau Monde, que le séjour à Spillville alimentera aussi en idées et qui venait d’être créée en décembre 1893.
Je ne résiste pas à vous proposer le quatuor en entier (il n’atteint pas la demi-heure), car je ne sais pas choisir entre les quatre mouvements. Le premier, frais et vivifiant ? Le second, émouvant, presque douloureux mais irrésistible de beauté ? Le troisième, souriant et bondissant ? Ou le dernier, merveilleuse danse, qui s’achève glorieusement ?
Pas une mesure en trop.
Une merveille.
Laissez-vous tenter !