31 décembre 1822 : quand Schubert croit sa messe réussie…
Instant classique – 31 décembre 1822… 197 ans jour pour jour. Franz Schubert commence en 1819 une nouvelle messe, sa cinquième. C’est la première fois qu’il s’y essaie à nouveau depuis la dernière, trois ans plus tôt. Il l’achèvera, mais ça lui prendra trois autres années.
Beaucoup plus solennelle que les précédentes, de dimensions plus vastes, Franz Schubert la baptise Missa Solemnis. Il ignore probablement qu’au même moment, non loin de là, Beethoven est en train de travailler à la sienne… Amusante coïncidence.
On ignore ce que Schubert voulait faire de sa messe. On sait simplement qu’il écrit à l’un de ses amis qu’il la destinerait volontiers à l’empereur ou à l’impératrice car il la croit « réussie ». Le problème, ce n’est pas sa messe, ce sont les goûts de François Ier. L’empereur veut une messe « ni trop longue, ni trop courte et pas trop difficile ».
Le comte Moritz von Dietrichstein, maître de la musique et des théâtres de la Cour, écrit ainsi à propos de la Missa Solemnis en préparation de Beethoven, ce qui pourrait s’appliquer à Schubert : « On voudrait une messe pour voix d’enfants avec très peu de solos. Tout au plus pour soprano et alto. Point de solo de basse ni d’orgue ; un pour le ténor que Barth chanterait. En solo d’instruments, l’auteur serait libre [ouf, merci !] d’écrire un solo de violon, ou de hautbois, ou de clarinette. Sa Majesté aime beaucoup les fugues mais très régulièrement conduites. Le Sanctus et l’Hosanna le plus court possible pour ne pas prolonger l’Élévation. »
Beethoven les a envoyés paître et Schubert, qui ignorait tout ça, envoie sa messe au maître de chapelle Eybler, qui lui indique que ce n’est pas le style qui plairait à l’empereur. « Alors, écrit Schubert à un ami, je me saluai moi-même et je pensai à part moi : je ne serai donc pas assez heureux pour pouvoir écrire dans un style impérial. »
Si bien que cette messe sera exécutée probablement à la fin 1822 (pour la Saint-Sylvestre ? Ce n’est pas sûr), en l’église d’Alt-Lerchenfeld, mais ne sera jamais exécutée à la Cour ni même publiée du vivant de Schubert.
En voici le très original Sanctus, presque inquiétant mais splendide.