30 septembre 1910 : Busoni repasse son Bach
30 septembre 1910 – Ferruccio Busoni, ne doutant de rien, décide de terminer L’Art de la Fugue de Bach, qui est (pour certains) inachevé. Prétentieux, inconscient, sacrilège ou gonflé ? Quoi qu’il en soit, cette Fantasia contrappuntistica, dont nous fêtons le 111e anniversaire aujourd’hui, est créée par le compositeur lui-même à Bâle.
Ferruccio Busoni – qui est en réalité un compositeur italo-allemand – avait une vénération pour Bach et le mot n’est pas trop fort. Il n’y avait pour lui pas d’autre dieu. C’est donc faire preuve d’une sorte de prétention ineffable, dans ces conditions, pour décider de terminer une œuvre laissée inachevée – au moins en apparence, car les spécialistes sont divisés sur le sujet – par le Cantor. Prétentieux, inconscient, sacrilège ou gonflé, je vous laisse juges.
J’ai oublié de vous préciser que Busoni est considéré comme l’un des plus grands pianistes de l’histoire de la musique et ce n’est pas non plus un compositeur au petit pied. Il a donc des références. Mais tout de même, vouloir terminer le Contrapunctus XIX de L’Art de la Fugue de Bach, il faut oser. Ce n’est pas qu’il est le premier à s’y essayer mais aucun de ses devanciers n’a osé véritablement pénétrer le monument.
Busoni a quarante-trois ans lorsqu’il s’attèle à cette tâche et il est déjà fort célèbre. Au début, il travaille sur une édition critique de l’œuvre de Bach, mais lors d’une tournée aux États-Unis, il retrouve un de ses amis, Bernhard Ziehn, spécialiste du contrepoint. Ce dernier lui explique que Bach voulait en réalité faire une fugue à quatre thèmes (alors que le Contrapunctus XIX est une fugue à trois thèmes) et aurait repris le tout premier thème de L’Art de la fugue pour en quelque sorte boucler la boucle.
Ni une, ni deux, Busoni décide de s’y mettre lui-même et de terminer l’œuvre de son idole sur cette idée de fugue à quatre thèmes. En quelques semaines, il termine ce qu’il appelle une « Grande fugue » (Groß Fuge), immédiatement publiée. Mais un peu plus tard, il reprend son travail et l’augmente de sa propre troisième élégie, ajoutant de ce fait un élément de modernité dans la structure. Ce faisant, il construit un monument particulièrement complexe et redoutable pour les solistes (on la joue souvent à quatre mains tant c’est difficile).
C’est Busoni qui crée ce qui est ainsi devenu une Fantasia contrappuntistica, voici cent onze ans aujourd’hui, à Bâle. Je vous en propose le finale, qui s’achève, dans la notation germanique, par un grand « B.A.C.H. » (Si bémol, La, Do, Si), par Wolf Harden.