30 janvier 1940 : Britten en pleine lumière
Sur des extraits des merveilleuses Illuminations de Rimbaud, le compositeur Britten compose dix mélodies pour voix aiguë et orchestre à cordes. Cet authentique chef-d’œuvre est créé à Londres il y a tout juste 82 ans aujourd’hui.
Lorsque la guerre éclate en 1939, Benjamin Britten l’antimilitariste et l’objecteur de conscience s’exile à vingt-cinq ans aux États-Unis, ce qui lui est vivement reproché, jusqu’à l’accuser de lâcheté et de trahison. C’est là qu’il compose dix mélodies pour voix aiguë (soprano ou ténor) et orchestre à cordes.
Pour la première fois, il recourt à des textes en français, extraits en prose tirés des Illuminations d’Arthur Rimbaud, avec une utilisation très expressive des cordes. Il y a d’abord la « Fanfare », avec pour unique phrase « J’ai seul la clé de cette parade sauvage » ; puis viennent le foisonnement des « Villes », l’incantation de la « Phrase » (« J’ai tendu les cordes de clocher à clocher »), l’invocation d’ »Antique », le rêve évanoui de « Royauté », récit de ce couple qui a régné un seul jour, la scansion de « Marine », la volute fluide d’ »Interlude » qui reprend la phrase initiale, la sensualité troublante de l’Être de beauté dans « Being Beauteous », la marche hallucinée de « Parade », qui se termine à nouveau avec la phrase initiale et la conclusion, comme un adieu, de « Départ », qui s’achève sur les cordes graves.
C’est à Londres qu’est créé ce chef-d’œuvre de Britten dans la mélodie, avec la soprano Sophie Wyss et le Boyd Neel Orchestra, voici juste quatre-vingt-deux ans aujourd’hui.
Bien des versions existent de ces Illuminations, qui se partagent d’ailleurs entre ténors et soprani. J’ai choisi un extrait dans l’interprétation dirigée par Britten lui-même avec son compagnon, le ténor Peter Pears, dont on peut ne pas aimer la voix, mais pour laquelle on ne peut s’empêcher de penser que Britten a écrit pour elle.
À chaque jour son instant classique !
Rubrique : « Le saviez-vous ? »