30… hum ! 29 mars 1836 : défense d’aimer la Défense d’aimer
Instant classique – 29 mars 1836… 182 années… et un jour ! Une fois n’est pas coutume, le peu de créations musicales recensées un 30 mars, du moins à ma connaissance, me conduit à parler d’un autre opéra créé le 29 mars, puisque hier Heinrich Marschner était à l’honneur avec son « vampire ».
Je disais que Richard Wagner avait été profondément marqué par les compositions de Heinrich Marschner, comme de Carl Maria von Weber ; le 29 mars 1836, il présentait à l’opéra de Magdebourg, dont il était le tout jeune directeur (depuis 1834, il avait alors 21 ans), son second opéra, Das Liebesverbot, ou « La Défense d’aimer », qualifié de grand opéra comique (si, si).
Cas unique d’adaptation de William Shakespeare (« Mesure pour mesure ») par Richard Wagner, on ne peut pas dire que l’œuvre ait fait florès. D’abord, la première de ce 29 mars fut une sorte de naufrage absolument lamentable : les chanteurs n’avaient pas jugé utile d’apprendre l’œuvre. On se demande comment Wagner s’est débrouillé avant la représentation…
La deuxième représentation sombra dans le grotesque vaudeville, puisqu’on dut l’annuler à la suite d’une bagarre générale entre les artistes, provoquée par un adultère… Richard Wagner lui-même se souvint plus tard que, de toute façon, personne ne s’était donné la peine d’acheter des billets. Il ne réussit jamais à monter cette œuvre nulle part et ne l’entendit donc jamais. D’ailleurs, fort rares sont ceux qui l’ont entendue depuis (quoi qu’elle ait été montée au Teatro Real de Madrid en 2016). Elle fait partie des œuvres dédaignées et oubliées de son auteur.
C’est dommage parce que, sans être immortelle, c’est une partition intéressante par ce qu’elle révèle. Jamais Richard Wagner n’a été ni ne sera plus italien dans l’esprit et même dans la forme. C’est en quelque sorte un Wagner farceur, qui en aurait fait un peu trop, excès d’un jeune homme encore bien peu sûr de lui et qu’on a parfois bien du mal à reconnaître !
L’échec retentissant de cette resucée de Gaetano Donizetti poussera le jeune compositeur à tracer sa propre voie. Un premier essai avec son Rienzi ne sera pas encore concluant. Puis viendront Le Vaisseau fantôme (1843) et Tannhäuser (1845) et là, on passera à une tout autre histoire…
Défenseur passionné de toutes les partitions wagnériennes, Wolfgang Sawallisch avait dirigé une production remarquable de cet opéra à Munich en 1983, l’une des seules intégrales gravées au disque. Quelque temps plus tard, il enregistrait la très énergique ouverture avec l’orchestre de Philadelphie. Vous ne reconnaîtrez décidément pas Richard Wagner, mais si vous n’êtes pas bien réveillés, ça devrait vous aider…