3 janvier 1897 : pas du tout carrément méchant mais vraiment jamais content
Dukas, c’est un peu le Poulidor de la musique française. Tout le monde l’aime et souligne son influence, voire la beauté de son œuvre, mais peu le connaissent véritablement, à l’exception de l’Apprenti sorcier (merci Disney). Le 125e anniversaire de son unique symphonie est l’occasion de découvrir un autre chef-d’œuvre…
L’héritage musical de Paul Dukas est très important pour le répertoire français, mais très petit. C’est que l’animal était tellement convaincu que sa production – la plupart du temps – n’était pas digne d’être présentée au public qu’il l’a à peu près totalement réduite en cendres…
Dukas, c’est un peu le Poulidor de la musique française. Tous ceux qui le connaissent l’aiment, soulignent son influence, sa générosité, parfois sa naïveté (c’était un professeur du conservatoire, souvent moqué par ses élèves, le pauvre) et la beauté de son œuvre, mais il ne tient jamais le premier rôle, sauf pour la seule partition restée immensément populaire – et encore, grâce à Disney et son Fantasia – « l’Apprenti sorcier« .
Mais dans cet héritage, il existe d’autres bijoux que ce petit poème symphonique. Il y a par exemple son unique symphonie (ben oui, il en existait une seconde, qu’il a totalement détruite). Elle est en ut majeur, composée en une grosse année entre 1895 et 1896 (Dukas a alors une petite trentaine d’années) et créée voici pile cent vingt-cinq ans aujourd’hui à Paris, aux concerts de l’Opéra, par l’orchestre de ce dernier, sous la direction du chef d’orchestre Paul Vidal, ami de Dukas et dédicataire de la partition.
Le pauvre chef a eu fort à faire pour l’exécuter en concert. Car la musique que Dukas déploie dans ce chef-d’œuvre trop méconnu de la musique française et surtout trop peu joué dans nos concerts stéréotypés, paraît alors trop bizarre aux musiciens qui renâclent beaucoup à la jouer. « Au cours des nombreuses répétitions, écrit le grand chef Ingelbrecht, qui était alors altiste dans l’orchestre, les lazzis ne cessèrent de fuser autour de moi, et il faut même dire que les tentatives de sabotage ne furent pas toujours épargnées à l’œuvre nouvelle. » L’accueil du public, hélas, est lui-même très froid et sans doute que le manque d’entrain de l’orchestre n’a pas aidé.
Et pourtant, c’est bien un chef-d’œuvre – en trois mouvements, ce qui est assez inhabituel pour une symphonie sur le plan formel. Le premier, vous l’avez sans doute déjà entendu, avec ce thème héroïque qui survient après quelques temps. Vous l’avez sans doute déjà entendu, mais vous ne le savez pas ou plutôt vous ne savez pas qui l’a écrit… L’andante central est une merveille de délicatesse et le final plutôt lyrique, avec une conclusion triomphale.
Certes, elle dure quarante minutes et c’est beaucoup abuser de votre temps, mais puisque je vous dis qu’il s’agit d’un trésor de notre patrimoine musical, je vous la propose dans son intégralité, ici sous la direction de Jean Martinon.
À chaque jour son instant classique !
Rubrique : « Le saviez-vous ? »