3 février 1823 : Baby (presque) alone in Babylone
Instant classique – 3 février 1823… 195 ans jour pour jour. « Mélodrame tragique » : tout un programme en deux mots pour annoncer au public vénitien combien il allait rire à la création à La Fenice du dernier opus de Gioachino Rossini pour l’Italie avant son « exil » français, Semiramide. Tiré de la tragédie homonyme de Voltaire, le livret est moins mélodramatique qu’alambiqué, rendant les mises en scène des rares versions scéniques, assez statiques.
Quant elles ne sont pas, pour tout dire, assez improbables ! Ainsi mon souvenir de la seule représentation de cette œuvre que j’aie vue au théâtre des Champs-Élysées, il y a plusieurs années, m’a-t-elle laissé aussi froid que ce que je voyais.
Acte I – Résumé en un éclair… ou deux
Ça se passe à Babylone, au temps de sa splendeur. Au temple de Baal, la reine Semiramide doit choisir le successeur du roi, mort dans d’étranges circonstances. Le prince Assur est sur les rangs (avec un tel nom, impossible de ne pas essayer). Mais au moment où la reine va prononcer le nom, un éclair traverse le ciel et la flamme sacrée s’éteint. Mauvais présage évidemment… On remet la cérémonie à plus tard. Le prince Arsace (mais où vont ils chercher des noms pareils ?!) revient, sur ces entrefaites, de la guerre, brûlant d’amour, lui, pour la princesse Azema, qui était promise au fils du roi, lui-même considéré comme mort.
Mais voilà, le prince Assur, qui voudrait bien devenir roi, aime lui aussi la princesse Azema. Bref, ça chauffe entre les deux coqs aux noms grotesques. Pendant ce temps, Azema se réjouit du retour d’Arsace, mais doit résister aux tentatives d’un certain Idreno (décidément, tout le monde la veut !). Semiramide elle-même, de son côté, aimerait bien mettre le grappin sur Arsace et écoute attentivement ce qu’elle a envie d’entendre de la bouche de l’oracle du coin, puis de celle d’Arsace qui lui jure loyauté alors qu’elle entend « amour ». Donc, ni une ni deux, Semiramide convoque tout le monde, fait jurer fidélité à tous et annonce que le successeur du roi sera Arsace. Les présents en sont baba.
Crac, nouvel éclair, au cas où on n’aurait pas compris la première fois, et le spectre du roi (il s’appelle Nino) vient dire aux pétrifiés du temple qu’Arsace sera roi seulement s’il descend dans le tombeau royal pour y immoler une victime dont le nom reste secret…
Ça c’était seulement un résumé du 1er acte…
Acte II – Gare au tombeau
Au second, Assur reproche à Semiramide de lui avoir donné de faux espoirs et on comprend de leur dispute qu’elle et lui sont à l’origine du meurtre du roi. Assur devient menaçant. Dans le temple, on couronne Arsace ; on lui révèle qu’il est le fils du roi et que c’est sa mère, Semiramide, qui a empoisonné Nino. Arsace, désespéré, jure vengeance. Azema (tiens, on l’avait oubliée) pleure la perte de son Arsace et disparaît. Arsace révèle à sa mère qui il est ; elle lui demande de la tuer ; il refuse et se rend dans le tombeau de son père, pendant qu’Assur jure qu’il tuera le nouveau roi (une sale habitude) et descend lui aussi dans le tombeau à sa recherche.
Le Grand prêtre promet à Arsace que les dieux guideront son glaive contre le coupable de la mort de son père. Semiramide descend alors pour prier (c’est une gare ce tombeau !). Le Grand prêtre ordonne alors à Arsace, dans la pénombre, de frapper ; croyant atteindre Assur, il tue sa mère. Il veut se suicider mais on l’en empêche et on le porte en triomphe au palais…
Une partition merveilleuse
Vous avez suivi jusqu’au bout ? On l’a échappé belle, car ce n’est pas Georg Friedrich Haendel qui a fait la musique (pardon pour les « baroqueux » ! ), mais c’est Gioachino Rossini. La partition est merveilleuse, depuis l’ouverture, célèbre entre toutes et que j’ai choisie ici, jusqu’au finale faussement triomphal de l’œuvre.
Jusqu’à la renaissance rossinienne des années 80, certains éminents critiques y voyaient un opéra « sans intérêt », ce qui est fondamentalement injuste et faux, même s’il est long et tortueux, ce qui n’est pas rare à l’opéra. Gioachino Rossini l’a copieusement agrémenté d’airs et d’ensembles en tous genres de sa meilleure plume.
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Rubrique : « Le saviez-vous ? »
Photographie de Une – Gioachino Rossini par Étienne Carjat (1862, Collodion print, détail)