28 novembre 1857 : Charles-Valentin Alkan, un curieux phénomène et génie caché de la musique
Instant classique – 28 novembre 1857… 161 années jour pour jour. Charles-Valentin Alkan (1813-1888) était un personnage un peu étrange. Tellement étrange qu’on a beaucoup oublié qu’il s’agissait rien moins que d’un des plus grands compositeurs pour piano français. On l’a oublié car il s’est employé à se cacher des autres et du monde.
Né dans une famille de musiciens, il suscite très tôt un vif intérêt, qui peu à peu disparaît. Il a vécu toute sa vie à Paris, sans jamais en sortir (sauf une fois, pour aller… à Londres…). Ami et grand admirateur de Frédéric Chopin, il était soutenu par Franz Liszt, qui le considérait comme un très grand pianiste.
Mélancolique au dernier degré, misanthrope, il se cachait constamment. Il ne faut donc pas s’étonner s’il a été supplanté par un autre à un poste qu’il convoitait au conservatoire. Méfiant et paranoïaque, il organisera quand même quelques concerts assez suivis, mais ne paraîtra plus en public après 1873, ne vivra que de ses leçons (malgré son caractère, c’était un grand pédagogue) et se consacre à la composition. Il n’a pratiquement écrit que pour le piano. Sa mort même est mystérieuse : sa bibliothèque lui serait tombée dessus alors qu’il cherchait à attraper un livre un peu haut…
Ce 28 novembre 1857, la revue Bibliographie de la France relate une nouvelle publication de Charles-Valentin Alkan – de son vrai nom Morhange – consistant en douze études dans tous les tons mineurs, opus 39 de l’artiste. Dédiées à François-Joseph Fétis et parues chez Richault, ces douze études ne connaissent aucun précédent ni n’auront aucun équivalent, même chez Satie – qui aimera pourtant les titres excentriques.
Dans cette œuvre fleuve longue de deux bonnes heures, Charles-Valentin Alkan a écrit des pièces uniques avec des sous-titres (« Comme le vent », « scherzo diabolico », « ouverture », « En rythme molossique » ou « Le festin d’Ésope », que j’ai choisi ici et qui clôt ces études), mais aussi une vaste Symphonie pour piano seul en quatre mouvements, ainsi qu’un énorme Concerto pour piano (seul). De quoi mériter son surnom de « Berlioz du piano » car, quand on les écoute, on a l’impression d’entendre un orchestre. Inutile de dire qu’il ne faut pas être débutant…
Le Festin d’Ésope est une série de vingt-cinq variations (elles sont numérotées sur la partition) sur un thème assez entêtant, le tout d’une extrême difficulté. On peut dire que pour un festin, c’en est un !
Alkan était un génie. Il revient peu à peu en grâce ces dernières années, mais sa musique est passionnante et il faut vraiment espérer qu’elle sera davantage diffusée à l’avenir. Pour ma part et à mon très modeste niveau, j’espère y contribuer avec ceux qui voudront bien écouter cette pièce.