27 avril 1810 : c’est pas pour Élise, c’est pour Thérèse
27 avril 1810… 211 ans jour pour jour – Aujourd’hui, nous fêtons l’anniversaire d’un des grands tubes de la musique classique : la célébrissime « lettre à Élise »… qui était plutôt destinée à Thérèse ! Vous allez penser que c’est une bagatelle… oui et non. Jugez plutôt.
Alors, celle-ci, si vous ne la connaissez pas, vous êtes définitivement perdus pour la cause ! Évidemment que vous le connaissez ce thème qui a accompagné et accompagne encore tant de moments romantiques, de génuflexions avec les gants beurre frais (ah bon, ça ne se fait plus ?), de promenades au clair de lune (non, il ne faut pas confondre avec la Sonate au Clair de lune, soyez un peu à ce que vous faites !).
Ce qu’on appelle généralement la « lettre à Élise » est une bagatelle, c’est-à-dire une petite pièce pour piano plutôt légère et aérienne. Ludwig van Beethoven en a composé des dizaines dans sa vie, mais celle-ci est isolée. Ce tube archi connu a tout juste deux cent onze ans aujourd’hui. Beethoven l’écrit pour quelqu’un : oui, c’est une forme de déclaration. Sauf qu’il ne s’agit pas du tout d’une certaine Élise, mais bien plus sûrement de Thérèse Malfatti, une de ses élèves et amie, qui a alors dix-huit ans.
Début 1810, alors qu’il vient d’avoir trente-neuf ans, Beethoven passe un mauvais hiver. Il est assez sérieusement malade, mais ses forces revenant au printemps, l’envie de se marier –rien que ça- le reprend, comme régulièrement avec cet éternel amoureux enflammé vite plongé dans les affres de la déception ou de l’irrésolution.
Au tout début du printemps, il écrit à Thérèse, qui est partie dans la campagne viennoise. Il fait remettre cette lettre très enflammée par son ami Gleichenstein, fiancé avec la sœur de Thérèse, Anna. Il lui parle du manque et aussi de son talent au piano qu’elle se doit d’entretenir pendant ses vacances. Et au détour d’une phrase, il lui dit : « Votre piano est commandé et vous l’aurez bientôt. Quelle différence aurez-vous sentie entre la façon de traiter le thème que j’avais trouvé l’autre soir et la manière dont je vous l’ai écrit dernièrement ? […] Bientôt vous recevrez quelques autres compositions de moi, où vous n’aurez pas trop à vous plaindre des difficultés… »
On peut penser que la bagatelle y figure. Il se sent pousser des ailes et début mai, il lui adresse une autre lettre par le même intermédiaire pour la demander en mariage. Mais très vite aussi, il est éconduit. Son sentiment n’est pas partagé et le père Malfatti n’a aucune envie d’avoir pour gendre « un type aux idées brouillées » comme dit l’oncle de Thérèse, Giovanni Malfatti, médecin de Beethoven. Ce dernier ajoute cependant : « Malgré cela, il peut bien être le plus grand de tous les génies. » Beethoven souffre beaucoup mais se console bien vite car il rencontre le même mois son nouveau rayon de soleil, Bettina Brentano… Mais c’est une autre histoire.
Alors me direz-vous, que venait donc faire Élise dans cette galère ? Eh bien on n’en sait rien ! À peine écrite, la bagatelle tombe dans l’oubli. C’est l’éditeur Ludwig Nohl, qui met la main dessus en 1865 et la publie en 1867, qui inscrit cette dédicace.
En fait, sur le manuscrit autographe, on ne lit plus très bien le nom qui est inscrit. Seules les deux dernières lettres subsistent visiblement : SE. Et donc Nohl opte au hasard pour Elise et voilà comment un succès planétaire jamais démenti ne rendra même pas justice à l’obscure Thérèse Malfatti (qui se marie, n’est pas heureuse en ménage et reste amie avec Beethoven, sans rancune).
À chaque jour son instant classique !
Rubrique : éphéméride