26 mai 1828 : la valeur de Hector Berlioz n’attend pas le nombre de ses années
26 mai 1828… 193 années jour pour jour. À seulement 23 ans, Berlioz commence la composition d’un opéra dont il ne reste aujourd’hui que la magnifique ouverture, mystérieuse et lumineuse. La création de cette œuvre fut pourtant loin d’être un succès…
Hector Berlioz a à peine vingt-trois ans, en 1826, lorsqu’il envisage de composer un opéra intitulé Lénor ou les Francs-juges. Il n’en reste aujourd’hui aucune trace. Sauf l’ouverture, devenue depuis pièce de concert, et qui témoigne d’une maîtrise déjà très significative du style berliozien. L’œuvre est au départ un peu mystérieuse, semble chercher un chemin. On tâtonne, on se perd, avec des couleurs instrumentales splendides ; puis, petit à petit, on voit la lumière, celle du thème triomphal de la libération, celle de la victoire de la justice.
Si cette magnifique ouverture est classée opus 3 dans le catalogue des œuvres de Hector Berlioz, elle a été présentée le même jour que son opus 1, l’ouverture Waverley, composée en 1827, mais moins séduisante.
Ce 26 mai 1828, voici donc tout juste cent quatre-vingt-treize ans, au Conservatoire de Paris, Berlioz offre un grand concert, qu’il ne dirige pas lui-même, dans lequel figurent ces deux ouvertures, mais aussi un fragment de l’opéra perdu depuis, « une marche religieuse des mages », le Resurrexit de sa messe solennelle retrouvée il y a seulement quelques années et sa Révolution grecque, qu’on croyait également perdue mais qui ne l’est pas. La salle est à moitié vide. Le chef d’orchestre fait à peu près n’importe quoi, un trio avec chœur se fait sans le chœur, qui rate son entrée… On comprend mieux pourquoi Hector Berlioz refuse bien vite de laisser quiconque autre que lui de diriger ses œuvres…
Il écrit ainsi dans sa fameuse théorie de l’art du chef d’orchestre : « On a souvent accusé les chanteurs d’être les plus dangereux de ces intermédiaires [entre le compositeur et le public] ; c’est à tort, je le crois. Le plus redoutable à mon sens, c’est le chef d’orchestre. Un mauvais chanteur ne peut gâter que son propre rôle, le chef d’orchestre incapable ou malveillant ruine tout. »
Et pourtant, ce soir là, la moitié pleine de la salle applaudit avec des « cris et des trépignements » selon Berlioz lui-même. La critique accueille ces nouveautés si originales favorablement. Bientôt viendra la symphonie fantastique…
L’interprétation par Roger Norrington et ses London Classical players se fait ici sur instruments d’époque. Pas sûr que cela apporte grand chose, mais les couleurs et la clarté de la partition sont bien rendues. Alors, pourquoi pas ?