26 juin 1912 : Gustav Mahler entre douleurs et grincements
Instant classique – 26 juin 1912… 106 années jour pour jour. La 9e est bien la dernière symphonie achevée de Gustav Mahler. Comme pour Beethoven, Schubert (pour lequel ça se discute), Dvořák ou Bruckner. L’ébauche d’une 10e, terminée par des musicologues, lui est postérieure et n’aura jamais la même considération.
Lorsqu’il la commence, durant l’été 1908, Gustav Mahler vient de traverser, l’année précédente, une période cauchemardesque avec la mort de sa fille de cinq ans, l’annonce simultanée, le jour même des funérailles de la petite Putzi, de sa propre maladie cardiaque incurable, puis son éviction brutale de l’opéra de Vienne.
De cette nouvelle symphonie, il ne dit presque rien, comme s’il s’agissait d’un exercice à part, lui qui écrivait des pages exaltées à ses amis pour leur décrire les sentiments que pouvaient lui procurer l’écriture d’une œuvre. Là, il semble en dehors de sa partition, ou bien c’est la partition qui reste en dehors de lui.
Il y a pourtant beaucoup de Gustav Mahler dans la 9e. Un Mahler nouveau, que l’idée de la mort ne semble pas obséder, selon son grand biographe récemment disparu Henry-Louis de la Grange. Et pourtant, il est condamné. Et pourtant, il écrit plusieurs fois « Ô, jeunesse, amour, adieu ! » ou « Ô monde, adieu » et aussi « Ô jeunesse ! Disparue ! Ô amour ! Envolé ! » sur la partition. Ses relations avec Alma se sont distendues ; il en prend en quelque sorte acte. Alors, il écrit une symphonie pleine de dérision et d’ironie, lesquelles parcourent toute l’œuvre en grimaçant, jusqu’à l’adagio monumental conclusif, soudain redevenu sérieux.
Symbole de cette danse déstructurée et amère de la vie, l’avant-dernier mouvement, le rondo-burleske, qui tord à peu près tout, qui grince et qui virevolte, qui s’apaise avant de tout emporter. Le dernier ricanement de Gustav Mahler avant la rédemption. Il ne l’entendra jamais. Son fidèle disciple Bruno Walter créera la symphonie le 26 juin 1912, à Vienne, un peu plus d’un an après que la mort a finalement rattrapé celui qui l’a tant fait danser.