25 février 1877 : un Tchaïkovsky dantesque

25 février 1877 : un Tchaïkovsky dantesque
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Instant classique – 25 février 1877… 141 ans jour pour jour. Après William Shakespeare, qu’il aimait particulièrement, Piotr Ilitch Tchaïkovsky se tourne vers Dante, sur la suggestion de son frère Modest. Son inspiration plus immédiate lui est fournie par une gravure de Gustave Doré représentant l’ouragan de l’Enfer pour illustrer le chant V de l’ouvrage éponyme de Dante Alighieri.

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L’histoire est bien connue : parmi les âmes condamnées au sein du second cercle de l’Enfer (celui de la luxure), Virgile et Dante aperçoivent celles de Francesca da Rimini et de son amant Paolo. Francesca, amoureuse de ce dernier, avait été mariée de force au frère de Paolo. Elle avait continué à voir celui-ci en cachette mais les deux amants avaient fini par être surpris par le frère/mari qui les poignarda tous deux, les unissant pour toujours dans la mort.

Un vaste tableau tempétueux

Créé ce 25 février (selon le calendrier julien, début mars selon le calendrier grégorien) à Moscou, sous la direction de Nikolaï Rubinstein, ce vaste tableau agité, tempétueux, ressemble beaucoup à certains poèmes symphoniques de Franz Liszt, mais on y retrouve aussi quelques réminiscences du récent Roméo et Juliette et ces mélodies merveilleuses si typiques du maître russe (voyez par exemple à 16’30-17’30 dans la version choisie ici, dirigée par un Bernstein dernière manière, survolté mais aux tempi plus lents).

Au centre se trouve, à la clarinette, un thème déchirant, qui est le récit par Francesca de son malheur. Puis les échos de l’Enfer, entendus au départ, reviennent avant que l’œuvre ne s’achève par des accords d’une violence terrible. 

Voici une traduction récente de la fin du Chant V de l’Enfer de la Divine comédie, écrite au début du XIVe siècle, dont on retrouve bien l’écho dans la section centrale de ce superbe poème symphonique.

… Francesca, tes souffrances me font pleurer de tristesse et pitié.
Pourtant, dis moi ; au temps des doux soupirs, à quoi, comment amour vous permit-il de découvrir les hésitants désirs ? »
Et elle à moi : « Il n’est douleur plus grande que de se rappeler des temps heureux dans la misère ; et ton docteur le sait.
Mais si tu as envie de connaître, de notre amour, la première racine, je parlerai comme on parle en pleurant .
Nous lisions un jour par plaisir de Lancelot comment amour le prit ; nous étions seuls et sans aucun soupçon.
Par plusieurs fois nous fit lever les yeux cette lecture, et pâlir le visage ;
mais un point fut le seul qui nous vainquit.
Lorsque nous lûmes du rire convoité qu’il était embrassé par tel amant, lui, qui de moi ne sera séparé, la bouche me baisa tout en tremblant. Galehault fut le livre et l’écrivain ; ce jour nous n’y lûmes pas plus avant. »
Pendant qu’un des esprits disait ceci, l’autre pleurait, si bien que de pitié je succombai comme si je mourais ; et tombai comme corps mort tombe.

Cédric MANUEL



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Rubrique : « Le saviez-vous ? »



Photographie de Une – Ary Scheffer, Les ombres de Paolo et Francesca apparaissant à Dante et Virgile (1855)



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