24 mars 1927 : Kodály bâtit un monument hongrois sur le dos de Napoléon
Instant classique – 24 mars 1927… 92 ans jour pour jour. Le nom de Zoltán Kodály (ou plutôt de Kodály Zoltán, puisqu’en hongrois, on met le nom de famille avant le prénom) ne vous dira peut-être rien, mais c’est l’un des plus grands compositeurs hongrois, mort il y a tout juste cinquante-deux ans.
En 1925, il compose l’une de ses partitions phares, Háry János, petit singspiel burlesque dans lequel un soldat un peu bizarre raconte ses exploits guerriers très douteux et prétend non seulement avoir séduit l’impératrice Marie-Louise, mais aussi vaincu à lui seul l’armée de Napoléon. En 1927, il tire de cette œuvre une suite pour orchestre qui en reprend les principaux thèmes.
Vous entendrez donc successivement un prélude, assez joyeux, suivi d’une représentation de l’horloge musicale de Vienne (Háry est un soldat hongrois mais dans l’armée autrichienne) ; puis une chanson, symbole de l’amour entre Háry et sa vraie fiancée Örsze et qui, dans l’opéra, est l’air « Par delà le Danube » ; suivie de la bataille et de la défaite de Napoléon, parodie grotesque (je vous laisse deviner ce qui symbolise l’Empereur…) avec une Marseillaise totalement déstructurée et une marche funèbre au saxophone. La danse qui constitue l’intermezzo est le morceau le plus célèbre et se fonde sur un rythme de « verbunkos », danse qui est l’ancêtre des fameux csardas. Enfin, l’entrée de l’Empereur et de sa cour, tout aussi burlesque, mais qui clôture l’œuvre dans un océan de couleurs virevoltantes. Avec, partout, un instrument incontournable de la musique populaire hongroise, le fameux cymbalum.
Cette suite a été créée à Barcelone il y a tout juste quatre-vingt-douze ans et la voici interprétée par un autre hongrois illustre, le chef d’orchestre George Szell, émigré aux États-Unis lorsque la guerre a éclaté en 1939 et qui a régné en souverain incontesté sur l’orchestre de Cleveland pendant vingt-cinq ans.