23 novembre 1834 : Berlioz et l’orgie de brigands dans les Abruzzes
Instant classique – 23 novembre 1834… 184 années jour pour jour. Hector Berlioz fit courir le bruit que le gigantesque Niccolò Paganini lui avait commandé une œuvre non pas pour violon, mais pour alto, et qu’il ne s’en était remis qu’à lui pour la composer. L’absolue certitude manque, mais les esquisses lui furent bien envoyées.
Hector Berlioz pensa rapidement à un portrait en quatre parties qu’il destinait d’abord à Marie Stuart, personnage fort en vogue à l’époque (Donizetti en ferait un opéra), mais il se tourna plutôt vers Le Pèlerinage de Childe Harold de Lord Byron.
Les quatre tableaux représentent successivement Harold dans les montagnes des Abruzzes, d’abord rêveur puis plutôt joyeux et plein de vie. Il voit passer des pèlerins dans la campagne, pour lesquels il joue sur le phénomène d’approche puis d’éloignement afin de figurer le passage. Le troisième mouvement est une sérénade d’un Abruzzais à sa maîtresse, sur un motif populaire entendu par Berlioz (car évidemment, Harold, c’est un peu lui) lors de son propre voyage localement l’année précédente. Enfin, le dernier mouvement est plus débraillé, représentant une orgie de brigands qu’Harold fuit tant elle devient horrible. C’est essentiellement ce dernier mouvement qui fait également fuir les détracteurs de l’œuvre, qui le jugent « vulgaire ». Les réacs de l’époque, quoi.
Comme dans la symphonie fantastique, une « idée fixe » traverse l’œuvre sous la forme d’un thème récurrent confié, justement, à l’alto.
Mais voilà, la passion, le sang, l’âme de Berlioz, c’est l’orchestre. La partie pour alto est si discrète, si fondue dans la masse orchestrale, si peu caractérisée que Paganini jugea qu’il n’y avait pour ainsi dire rien à jouer. C’est donc le moins célèbre Chrétien Urhan qui tint la partie d’alto ce 23 novembre 1834 dans la salle du conservatoire de Paris pour la création devant un parterre réduit. Succès, mais qui ne se renouvela pas du tout lors du premier concert public, quelques semaines plus tard. Le chef d’orchestre ralentit tellement à la fin de l’œuvre que l’orchestre se perdit… On raconte que Berlioz, dépité, reçut le lendemain une lettre anonyme couverte d’injures dans laquelle on lui reprochait surtout de ne pas avoir assez de courage pour se brûler la cervelle…
La voici, cette fameuse orgie de brigands, puisqu’on est de toute façon cerné par eux, les brigands de toute sorte, de tous discours, de tous acabits, des plus veules aux plus sournois. Je dirais même que la période en produit des caissons entiers.