21 juin 1898 : en attendant Debussy
Instant classique – 21 juin 1898… 107 ans jour pour jour. J’ai dû dire souvent combien l’opéra Pelléas et Mélisande de Debussy me rebutait, non pas que la musique n’en fût pas belle, mais cette œuvre a une capacité – chez moi en tout cas, car elle est vénérée par beaucoup d’autres – à distiller, je l’avoue, un ennui tout à fait écrasant.
La pièce de Maurice Maeterlinck, créée en 1893 à Paris pour une seule représentation, a cependant suscité d’autres adaptations. Ainsi, pour sa présentation à Londres en 1895, à la demande d’une grande actrice anglaise de l’époque, Ms Patrick Campbell née Beatrice Stella Tanner, celle-ci demande à Claude Debussy, dont elle connaît les intentions sur cette œuvre, de lui composer une musique de scène. Mais Debussy refuse. Son projet est bien différent. Alors l’actrice se tourne vers une autre gloire musicale française de l’époque, Gabriel Fauré. Celui-ci accepte et compose la partition assez tardivement, en mai 1898, alors que la représentation dit avoir lieu en juin. Pressé par le temps et par ses obligations, il demande à son élève Charles Koechlin d’orchestrer l’ensemble.
L’œuvre est créée voici quatre-vingt-douze ans au Prince of Wales Theater et remporte un triomphe, ce qui décide Fauré à reprendre ensuite la partition pour en tirer, comme c’est l’usage, une suite pour orchestre, qu’on entend généralement. C’est sa pièce centrale qui en constitue le morceau le plus célèbre (et même carrément célébrissime, vous le reconnaîtrez), cette sicilienne toute de légèreté et de grâce, qui débouche sur la mort de Mélisande et une marche funèbre très éthérée.
Il va sans dire que je préfère l’ambiance musicale de cette œuvre à celle de Claude Debussy et rien que dire cela, chers lecteurs fidèles, pourrait suffire dans les milieux musicaux pour me condamner définitivement, avec tous les anathèmes qui vont bien. Même pas peur. Écoutez donc, en ce jour de fête de la musique ce joyau bref pour lequel le premier mot qui vient en l’entendant est « pureté ». Et pour l’interpréter, il faut un chef à la grande sensibilité et une souplesse de chat, voici donc Seiji Ozawa.