2017. Les artistes et l’odyssée de l’espace : une conquête foisonnante !
Le jeudi 23 février avait lieu, au Centre National d’Etudes Spatiales (Cnes), une soirée quelque peu particulière : une confrontation entre l’espace et l’art. artpress2 vient en effet de publier un numéro, en partenariat avec l’Observatoire de l’Espace, intitulé : Images de l’espace. Archive, exploration, fiction. Comment les documents d’archives, notamment scientifiques, peuvent-ils devenir matériaux pour l’artiste ?
L’Observatoire de l’Espace, laboratoire art-sciences développé au sein du Cnes, cherche à montrer l’importance du domaine spatial dans les représentations et l’imaginaire collectif. Depuis plusieurs années, il ouvre largement ses portes aux artistes, lors de concours, par diverses commandes, etc. « L’univers spatial est une source d’inspiration foisonnante pour la création, explique Gérard Azoulay, responsable de l’Observatoire de l’Espace. Nous avons des programmes de résidences, des spectacles, des projections, une revue… Nous avons investi de longue date tous les champs de la création artistique. »
Quand les archives deviennent-elles des matériaux artistiques ? Pour l’artiste Simon Ripoll-Hurier, la réponse est évidente : « Au moment où on les regarde, avant même de commencer à travailler. On a déjà décidé qu’on voulait leur faire dire autre chose, donc c’est déjà autre chose à ce moment-là. »
Des images scientifiques aux visuels de propagande
L’univers spatial que l’Observatoire souhaite soumettre au regard des artistes n’est pas seulement celui de la prouesse technologique, ni de la découverte scientifique, mais un espace habité, humain, riche d’une longue histoire culturelle. « Nous documentons cette histoire en permanence », poursuit Gérard Azoulay, par des inventaires d’archives, en colligeant des notes, des plans, des dessins : « Rien ne nous échappe ! »
Reste à organiser cette imposante matière, de telle sorte qu’elle puisse être appréhendée par les artistes : l’un est captivé par les sons produits par les machines, un autre par ces moments d’entre-deux, lorsque l’attente se lit sur des visages comme suspendus… Le cheminement artistique est toujours particulier.
Christophe Kihm, critique d’art et professeur à la HEAD de Genève, énonce aussi tout un ensemble d’images destinées à la communication, à la « propagande », qui ont été largement diffusées et font désormais partie de l’imaginaire collectif : « Elles appartiennent à une histoire culturelle, et non plus strictement scientifique, de la recherche spatiale. »
Du sidéral à l’esthétique de la sidération
Christohe Kihm est le maître d’œuvre du numéro d’artpress 2, qui vient de paraître : Les images de l’espace, titre du numéro, sont déclinées en trois axes, qui sont autant d’étapes du processus de création : archive, exploration, fiction. « Ces images peuvent autant intéresser ceux qui travaillent l’histoire de l’art que ceux qui s’intéressent à l’histoire des sciences, à l’anthropologie, à la philosophie, nous explique-t-il. Un axe a notamment retenu notre attention depuis un moment : le rapport du sidéral à une sorte d’esthétique de la sidération. »
Au début, Catherine Millet est sceptique sur la possibilité de faire un numéro sur l’espace : les archives lui apparaissent comme un matériau ingrat, de même que le sujet de la recherche spatiale. « Je n’arrivais pas à me représenter les images qui allaient illustrer ce numéro, confirme-t-elle. Je n’imaginais pas que le numéro se terminerait par une gravure de William Hogarth ! »
L’espace : du rêve humain à l’ironie artistique
De l’avis de Catherine Millet, si certaines images restent arides, le portfolio est réussi. « Ce fut une découverte formidable, car cela m’a fait prendre conscience de la transformation du rapport entre l’art et certaines recherches scientifiques. » Le lien développé entre l’art et la science, au fil des quelque quarante-cinq ans d’existence de la revue, trouve avec ce numéro un nouveau déploiement.
La directrice de la rédaction d’artpress observe d’ailleurs une évolution artistique, d’une conception utopiste et archaïsante liée à l’espace, qui prévalait encore il y a quelques dizaines d’années, à la prédominance de l’humour. « Il y a quelque chose qui s’exprime qui n’est plus de l’ordre de l’adhésion pure et simple à l’espoir scientifique ; le regard contemporain twiste le sujet grâce à une approche ironique. »
Les avancées technologiques sont constantes, si bien que la matière documentaire semble presque infinie ; celle-ci dépendant du regard de chaque artiste, l’inspiration est quasi inépuisable. Tel est le sens du projet de l’Observatoire de l’Espace. « C’est cette matière documentaire, cette approche anthropologique de l’univers spatial que nous partageons avec les artistes pour nourrir leur travail », conclut Gérard Azoulay.
Pierre GELIN-MONASTIER
En téléchargement : Les Cahiers de l’Observatoire de l’Espace – n°9 – janvier-avril 2017
Crédits de toutes les photographies, hormis celle de la Une : Pierre Gelin-Monastier