18 novembre 1877 : Tchaïkovski s’en fiche
Instant classique – 18 novembre 1877… 143 ans jour pour jour. Piotr Ilitch Tchaïkovski crée ses fameuses Variations sur un thème rococo, une œuvre qui sera charcutée dans tous les sens, sans que le compositeur ne s’en préoccupe véritablement.
On ne sait pas très bien d’où viennent les fameuses Variations sur un thème rococo de Piotr Ilitch Tchaïkovski. En décembre 1876, ce dernier écrit à son frère Anatole qu’il a commencé une partition pour violoncelle avec orchestre, mais on n’en sait rien d’autre et il écrit cela en même temps que sa quatrième symphonie.
Lorsqu’il a terminé son travail, il le montre au dédicataire, le violoncelliste virtuose allemand Wilhelm Fitzenhagen. Ce dernier s’empare de la partition et…. la charcute dans tous les sens. Il modifie l’ordre des variations, en supprime d’autres et avant tout cela réécrit la partie soliste à son goût. Le tout lui semble préférable. Tchaïkovski, qui n’est pourtant pas Moussorgski, reste de marbre.
C’est donc le retricotage qui est créé voici cent quarante-trois ans (dans le calendrier julien) à Moscou par le violoncelliste indélicat sous la direction de Nicolaï Rubinstein. Mais ce n’est pas fini. Au moment de la publication, Tchaïkovski semble se réveiller un peu. Il ne souhaite pas que l’œuvre soit publiée chez l’éditeur allemand Leickhardt, choisi d’abord par Fitzenhagen, mais par Peter Jurgenson, éditeur à Moscou. Sauf que Fitzenhagen en profite pour corriger encore la partie soliste… L’éditeur est furieux et écrit à Tchaïkovski : « Détestable Fitzenhagen ! Il veut absolument réécrire ta pièce pour violoncelle, la « violoncelliser » comme il dit, et déclare que tu lui aurais donné carte blanche. Mon Dieu ! Tchaïkovski revu et corrigé par Fitzenhagen !!! »
C’est pourtant bien la version recharcutée qui restera éditée pendant des décennies. Il faut dire que le compositeur a renoncé à s’énerver. Un jour, il offre la partition violoncelle-piano à un autre virtuose devant lequel il s’agace de toutes les modifications. Enfin, il s’écrie : « Et puis que le diable les emporte ! Qu’elles restent comme ça… »
On ne sait pas si c’est parce qu’elle a été ainsi corrigée que la partition est bien accueillie par le public. Fitzenhagen la joue à Wiesbaden devant Liszt et écrit tout de suite à Tchaïkovski : « J’ai l’immense plaisir de vous annoncer que j’ai été rappelé trois fois et même pendant l’exécution, après l’andante on avait vigoureusement applaudi. Liszt me dit : “Vous avez joué magnifiquement. Voilà enfin de la vraie musique”. » Pour autant qu’on en sache, Tchaïkovski, recevant la lettre, eut un haussement d’épaules.
Le fait est que les grandes interprétations de ces variations sont le plus souvent jouées sur la base de la version Fitzenhagen. Mais la version originale revient peu à peu et en voici une magnifiquement jouée par Julian Lloyd Weber, sous la direction de Maxime Chostakovitch (le fils de l’autre). Certes, ce n’est pas celle dont on fête l’anniversaire, mais, comme Tchaïkovski, on s’en fiche.
Un jour… une œuvre musicale !
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