18 février 1869 : un Requiem kolossal !
Instant classique – 18 février 1869… 151 ans jour pour jour. Après une longue gestation qui a duré de 1854 à 1868, l’orchestre et le chœur du Gewandhaus de Leipzig créent voici cent cinquante-et-un ans la première version intégrale du Requiem allemand de Johannes Brahms.
Jusque-là peu concepteur de musique religieuse, le jeune compositeur (il a trente-cinq ans lors de la création) se lance dans cette immense fresque inédite : ce n’est pas un requiem au sens de la liturgie catholique du terme, mais une longue musique funèbre tournée vers la tradition germanique luthérienne, dans la lignée des cantates baroques funéraires d’un Schütz ou celles, plus méditatives, d’un Bach, avec des effectifs hérités eux des oratorios romantiques à la Mendelssohn.
Refusant les affres du Dies irae, Brahms choisit de magnifier la résurrection. Peu d’effroi, mais de la poésie. Durant les quatorze ans de gestation, plusieurs événements ont néanmoins assombri la partition (Brahms écrivit un jour : « Je n’ai pas besoin de vous dire que je ne ris jamais… ») : la mort de son cher ami Schumann en 1856 ou encore celle de sa mère en 1865.
J’ai choisi le plus célèbre des numéros de la partition, qui constitue le second numéro des sept qui composent ce Requiem allemand. Il aurait été tiré d’un projet de sonate pour deux pianos, composée peu après la tentative de suicide de Schumann en 1854, lequel avait d’ailleurs un projet de requiem allemand aussi.
Étrange marche funèbre à trois temps, c’est l’une des parties exclusivement chorale, impressionnante de puissance et non dénuée de mystère. On y perçoit une lumière grandissante tout au long de sa progression vers une sorte de délivrance.
Schumann l’avait prédit en 1853, avant de sombrer : « S’il [Brahms, NDLR] plonge sa baguette magique dans le gouffre où les masses du chœur et de l’orchestre lui prêtent leur puissance, nous pouvons alors nous attendre à des aperçus plus merveilleux encore des mystères du monde des esprits. »
Donc, honneur au chœur, ici le superlatif Philharmonia, dans l’une des grandes version de référence dirigée par Otto Klemperer, d’une grandeur toujours aussi saisissante presque soixante ans après son enregistrement.