18 décembre 1908 : pour Chouchou

18 décembre 1908 : pour Chouchou
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Instant classique – 18 décembre 1908… 112 ans jour pour jour. Claude Debussy offre à Claude-Emma, alias Chouchou, sa fille âgée de trois ans, un petit recueil de six pièces pour piano, mélange de douceur, d’émotion, d’humour, de tendresse et de joie.

Chouchou, c’est la fille de Claude Debussy, qu’il a eue avec Emma Bardac, sa seconde épouse. Chouchou, de son vrai prénom Claude-Emma, est née en 1905. Une divine surprise pour Debussy qui a alors quarante-trois ans. Sa liaison avec Emma, pour qui il a abandonné sa première femme –laquelle survivra de peu à une tentative de suicide – a fait grand bruit et lui a fait perdre plusieurs de ses amis, mais aussi, un peu, l’inspiration. La petite Claude-Emma est dans ce contexte un baume pour ce musicien au caractère par ailleurs très difficile. C’est donc un vrai papa gâteau. Et donc, durant l’été 1908, il offre à l’enfant de trois ans un petit recueil de pièces pour piano, qu’il a commencé à composer dès 1906.

La dédicace de Debussy à sa fille est très touchante : « À ma très chère petite Chouchou, avec les tendres excuses de son père pour ce qui va suivre. » On se demande bien de quoi il peut s’excuser, car ce qui suit est un mélange de douceur, d’émotion, d’humour, de tendresse et de joie. Six pièces très courtes qui seront orchestrées un peu plus tard, un peu par Debussy, surtout par son élève André Caplet (avec l’autorisation et le soutien de son mentor). La version originale pour piano est donc créée au Cercle musical, à Paris, voici tout juste cent douze ans sous les doigts d’Harold Bauer et non de Debussy (qui était pourtant un très grand pianiste).

Anglophiles distingués (encore un défaut fâcheux), Emma et Claude Debussy avaient trouvé une gouvernante anglaise à leur fille. C’est donc tout naturellement que cinq des six titres sont en anglais, tout comme le titre chapeau.

On trouve donc d’abord Doctor Gradus ad Parnassum, qui se moque des exercices de piano de Clementi, devant lesquels l’enfant apprenant s’ennuie ferme et préférerait bien aller jouer. Puis Jimbo’s Lullaby, berceuse pour l’éléphant en peluche qui endort immanquablement l’enfant ; Sérénade for the doll, où le piano imite une guitare un peu maladroite ; The snow is dancing, illustration d’une fine averse de neige pleine de poésie, où l’on imagine les enfants aux yeux émerveillés collés derrière des vitres embuées ; The little shepherd, qui raconte l’idylle d’un petit berger qui étreindra d’émotion la grande pianiste Marguerite Long lorsqu’elle l’entendra jouée par Chouchou elle-même. Et enfin, Golliwogg’s cake-walk, danse inspirée du jazz noir américain – dont l’origine est quand même très raciste… Je ne sais pas si Debussy le savait.

Hélas, comme souvent dans l’histoire de la musique, celle du Children’s corner dédié à Chouchou finit mal. Debussy meurt dix ans après leur création, mais le plus triste est que Chouchou elle-même, frappée par la diphtérie, le suivra dans les étoiles à peine quelques mois plus tard, à tout juste quatorze ans.

Arturo Benedetti Michelangeli n’est pas seulement un des plus grands pianistes italiens de l’histoire, c’était aussi l’un des meilleurs spécialistes de Debussy. Voici une version rêveuse du Children’s corner en public, à Lugano, il y a une cinquantaine d’années.

Cédric MANUEL



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Rubrique : « Le saviez-vous ? »



 

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