17 mars 1846 : Verdi, la galère et le grand méchant Hun
Instant classique – 17 mars 1846… 172 années jour pour jour. Giuseppe Verdi avait classé un certain Attila, roi des Huns de Zacharias Werner parmi les œuvres adaptables pour la scène et s’en ouvrit d’abord au fidèle Francesco Maria Piave. L’idée prit corps en vue d’une création à la Fenice de Venise.
Giuseppe Verdi confia finalement l’élaboration du livret à Temistocle Solera, lequel lâcha le compositeur en rase campagne pour suivre sa belle en Espagne, au beau milieu du travail. Verdi s’en remit à nouveau au très adaptable Francesco Maria Piave, avant que ce dernier soit lui-même atteint par une très mauvaise fièvre qui, dit-on, faillit l’emporter.
À la création, toutes sortes de problèmes – de la grippe du rôle-titre tenu par Ignazio Marini jusqu’au dégagement d’une fumée épaisse qui introduisit un très imprévu chœur de tousseurs dans la salle – provoquèrent l’échec de la représentation.
Mais dès le lendemain, puis à la troisième représentation, l’œuvre finit par s’imposer sous les vivats.
C’est que la partition, par certains côtés très caractéristique du Verdi d’alors, se déploie pleine de puissance et de richesse mélodique : elle annonce aussi les opéras plus complexes qui vont suivre. Patriotique et parfois un peu lourde, à l’instar d’autres œuvres des « années de galère », elle réussit à créer des atmosphères très inspirées et raffinées, par exemple dans les brefs préludes qui introduisent certaines scènes (celui qui ouvre l’opéra est d’ailleurs lui-même très remarquable) et contient des airs irrésistibles.
L’un des paradoxes de cet opéra est de rendre héroïque le grand méchant Hun alors que les autres personnages sont soit falots (Foresto, le ténor, ici réduit à la portion congrue), soit ambivalents (le très ambitieux Ezio, prêt à tout pour asseoir sa gloire personnelle et dominer l’Italie). Seul le personnage d’Odabella donne une image plus résolue, guerrière même, qui écrase le pauvre ténor de son autorité et de sa soif de vengeance, jusqu’à tuer elle-même le roi des Huns (là encore, la vérité historique n’a pas grande importance…).
Au tournant des années 90, Attila, c’est Samuel Ramey, qui en a fait l’un de ses rôles fétiche, notamment à l’occasion d’une production historique dirigée par Riccardo Muti à la Scala et dont l’enregistrement en parallèle est devenu la référence discographique. Il l’a beaucoup chanté depuis, y compris – comme ici – en récital.
Dans l’extrait proposé, second tableau du 1er acte, il se réveille en sursaut, ayant vu en rêve un vieillard l’arrêter aux portes de Rome par sa seule autorité (« Ce sol appartient aux dieux »). Ce vieillard se dressera bientôt pour de bon devant lui en la personne du pape Léon le Grand, image fameuse qui inspira Raphaël.
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Rubrique : « Le saviez-vous ? »
Photographie de Une – Jeu vidéo Total War: Attila