17 juin 1710 : la fête à Campra
17 juin 1710… 311 années jour pour jour. André Campra crée ses Fêtes vénitiennes, qui remportent un triomphe indescriptible au théâtre du Palais-Royal. Cet opéra-ballet d’un genre nouveau, plus léger que les imposantes tragédies lyriques habituelles, est un véritable coup de maître dans un pays en quête se fantaisie.
En ce début de XVIIIe siècle, André Campra est le premier compositeur d’envergure à saisir le désamour croissant, ou du moins la lassitude, du public pour l’imposante tragédie lyrique, associée aux lourdes heures du Grand siècle et en particulier de son grand roi dont le règne n’en finit pas d’expirer, dans une ambiance spectrale que les rigueurs du temps et du climat rendent alors encore plus interminable. Il faut donc aux spectateurs davantage de fantaisie et de divertissement, de simplicité et – diraient certains technocrates – de « lisibilité ». On ne veut plus d’histoires tortueuses, on veut respirer.
Campra avait déjà proposé une alternative avec une œuvre d’un nouveau style, apparu à la fin du siècle précédent, et qu’on appellera « l’opéra-ballet ». Son Europe galante avait ainsi été créée avec succès en 1697 mais ce n’était encore qu’un coup d’essai. Plusieurs années après, notre compositeur aixois met au point son coup de maître avec un nouvel opéra-ballet dont le livret lui a été concocté par Antoine Danchet, qui avait signé celui de Tancrède que Campra avait composé en 1702.
Les Fêtes vénitiennes sont en effet conçues selon les principes du genre : une succession de petites scènes indépendantes les unes des autres où l’on chante et surtout où l’on danse, dans une ambiance de comédie burlesque et presque libertine. Tous les ingrédients qui plaisent au public, qui n’a besoin de comprendre qu’une chose : on est à Venise. Cela n’empêche pas l’œuvre de présenter une myriade de personnages qui vont défiler sur scène tout au long du prologue et des trois « entrées » que compte l’œuvre au départ. Campra ajoutera un peu plus tard deux autres entrées pour répondre en quelque sorte à la demande d’un public conquis et gourmand.
Le prologue présente le Carnaval, qui invite les Amours à Venise, tandis que la Folie chasse l’austère Raison. On devine donc que tout va tourbillonner. Les entrées qui suivent sont des saynètes qui ont toutes pour trait commun, outre Venise, le caractère galant, et qui sont autant de prétextes à chanter et à danser. Elles ont pour titre Les Devins de la place Saint-Marc, L’Amour saltimbanque, L’Opéra ou le maître à chanter, Le Bal ou le maître à danser, Les Sérénades et les joueurs.
Campra reprendra plusieurs fois l’agencement de ces différentes scènes jusqu’à la fin de l’année 1710, mais voici trois cent onze ans aujourd’hui, la version originale remporte déjà un triomphe indescriptible au théâtre du Palais-Royal. On ne cessera de le jouer tout au long du siècle. Et soudain, tout comme d’autres opéras-ballets eux-mêmes devenus désuets, il tombera dans un oubli complet, malgré de fugaces résurrections.
En 2015, cependant, l’Opéra-Comique propose une production qui fait date et sensation, avec une mise en scène colorée et inventive de Robert Carsen, avec les Arts florissants sous la direction de William Christie. Cette production fera ensuite une tournée durant laquelle elle rencontrera le même succès. En voici un extrait de la troisième entrée, l’Opéra ou le maître à chanter, avec notamment le très entreprenant ténor Marcel Beekman et Rachel Redmond, qui ne s’en laisse pas compter.
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Rubrique : « Le saviez-vous ? »