16 octobre 1893 : Requiem pathétique pour Tchaïkovsky
Instant classique – 16 octobre 1893… 125 années jour pour jour. On a tant parlé de cette ultime symphonie, la sixième, la Pathétique (titre suggéré, selon ses dires, dès le lendemain de la création par son frère Modest, et que Piotr Ilitch Tchaïkovsky accepta), tant disserté sur le dernier mouvement « adagio lamentoso », non usuel dans une symphonie sous la forme classique et si différent des finales des précédentes symphonies du compositeur.
C’est à l’automne 1892 qu’il entreprend une nouvelle symphonie, vite abandonnée et qu’il va réutiliser pour son troisième concerto pour piano. Peu après, au début de l’année 1893, il annonce à son neveu Vladimir Davydov qu’il entame à nouveau une symphonie, qui aurait un « programme subjectif » et secret. Le travail avance d’abord très vite, puis le compositeur se plaint à son frère de ne pas trouver l’instrumentation qu’il voudrait. Le 19 août, enfin, il achève la partition.
Le 21, il écrit au prince Constantin Romanov, qui lui demandait de mettre en musique le poème Requiem d’Apoukhtine : « Je suis un peu troublé par le fait que ma dernière symphonie que je viens d’achever et qui est prévue pour être exécutée le 16 octobre […] est imprégnée de sentiments très proches de ceux dont est inspiré le Requiem. Je crois que cette symphonie est réussie, et je crains que je risque de me répéter si je m’attelle aussitôt après à une œuvre proche de l’esprit de la précédente. »
Ce 16 octobre, à Saint-Pétersbourg, Piotr Ilitch Tchaïkovsky – qui dirige le concert – semble nerveux et angoissé. Le programme inclut le premier concerto pour piano du compositeur et la rhapsodie espagnole de Franz Liszt. La Pathétique est accueillie sans enthousiasme, avec perplexité, mais sans rejet.
Tchaïkovsky n’en démord pas, c’est pour lui la plus réussie de toutes ses œuvres, celle dont il est le plus fier, comme il l’écrit à son neveu. Neuf jours plus tard, Tchaïkovsky meurt subitement.
La version officielle, pendant près de 100 ans, parle de l’œuvre foudroyante du choléra alors qu’une épidémie sévissait à Saint-Pétersbourg et que Tchaïkovsky aurait bu de l’eau non bouillie. L’autre version, plus récente et fondée sur de nombreux indices, parle d’un suicide par empoisonnement, en raison du scandale qui le menaçait à propos de son homosexualité, et que certaines mauvaises personnes s’apprêtaient à dévoiler au tsar lui-même. Les témoins ont vu Tchaïkovsky quelques jours après la création rentrer chez lui totalement bouleversé par quelque chose et d’aucuns ont dit qu’il avait bu de l’eau non bouillie – prenant un risque cholérique majeur – en disant « quelle importance ». Les tenants de la seconde thèse pensent qu’il avait été informé du jugement contre lui d’un « tribunal d’honneur ». Peu importe quelle est la vérité, si sinistre soit-elle.
Dans les dernières notes de sa symphonies, Tchaïkovsky projette sans nul doute toutes ses souffrances intimes, les angoisses et les désillusions de sa vie, et nous en laisse un témoignage poignant, d’une profonde beauté crépusculaire, bien adaptée à ces jours sombres et ici magnifiée par l’interprétation marmoréenne de Sergiù Celibidache.