16 mars 1896 : le titan incompris de Gustav Mahler

16 mars 1896 : le titan incompris de Gustav Mahler
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Instant classique – 16 mars 1896… 122 années jour pour jour. Les premières esquisses de la 1ère symphonie de Gustav Mahler datent de 1885. Il est alors, à 25 ans, second chef d’orchestre à l’opéra de Kassel et compose une œuvre en cinq mouvements. Cette version initiale est créée en 1888 à Leipzig puis à Budapest l’année suivante, lorsque Mahler y prend les rênes de l’opéra. Dans tous les cas, c’est un flop.

Dans cette version originale figure alors un andante intitulé « Blumine », qui était le deuxième mouvement. Mahler retire ce dernier dans une version restaurée en 1894 et modifie encore la partition de ce qu’il appellera son « enfant de douleur ». La version définitive en quatre mouvements que nous connaissons aujourd’hui est donc créée à Berlin il y a tout juste 122 ans. Mais, à nouveau, c’est un échec. Personne ne comprend cette musique alors que les deuxième et troisième symphonies sont mieux accueillies.

Programme initial en trois mouvements

Pourtant, Gustav Mahler avait essayé d’expliquer ce qui se trouvait dans son œuvre, déroulant un vrai programme, ce dont il se défendit d’ailleurs plus tard, refusant qu’on distribue ce programme au public.

La 1ère partie désigne des « souvenirs de jeunesse », avec des « moments de fleurs, fruits, épines », un printemps « qui ne finit pas », puis un scherzo intitulé « à pleines voiles ».

La deuxième partie, « Commedia humana », débute par la fameuse marche funèbre « à la manière de Jacques Callot », inspirée par une gravure célèbre du dessinateur lorrain pour les enfants autrichiens, intitulée « l’enterrement du chasseur », porté en terre par les animaux qu’il chassait (cf. Image de Une). Pour l’illustrer, Mahler reprend le matériel musical du fameux « frère Jacques » (Bruder Martin dans sa version allemande).

Le dernier mouvement, intitulé « dall’inferno », alterne moments de forte puissance, pleins de tutti et de fortissimi saisissants, et d’autres plus recueillis, tendres, champêtres, échos du 1er mouvement.

Mais Gustav Mahler effaça bien vite ce programme pour en revenir à des indications plus traditionnelles, notamment pour ce concert de 1896. Il a toujours refusé qu’on accole à cette symphonie le titre de « titan » qu’on lui connaît aujourd’hui et a puisé pour la composer dans le matériau de ses propres lieder – en particulier les lieder eines fahrenden gesellen (« chants d’un compagnon errant »).

Ce titre « titan » faisait référence à l’écrivain romantique allemand Richter, dit Jean Paul, contemporain de Goethe et que Mahler adorait lire. Son roman Titan retrace la vie d’un héros dont la seule arme face au monde qui l’entoure est une force intérieure hors du commun, une imagination sans bornes et des rêves purs. Mais le programme précité ne reprend pas du tout cela, alors que la musique, davantage…

Je vous propose ici l’intégralité du dernier mouvement, noté « Orageux, animé », interprété par celui qui fut son irréductible disciple et son infatigable défenseur, le seul ou presque en qui Mahler avait une confiance totale pour le remplacer comme chef d’orchestre à Vienne, Bruno Walter, qui l’enregistra à nouveau, quelques mois avant sa mort, à New York.

Cédric MANUEL



À chaque jour son instant classique !
Rubrique : « Le saviez-vous ? »



 Photographie de Une – Les animaux à l’enterrement du chasseur de Jacques Callot (1592-1635)


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