16 février 1854 : (M)orpheus de Gluck à Liszt
Instant classique – 16 février 1854… 165 années jour pour jour. Au moment où Franz Liszt achevait la partition de ses Préludes, en 1853, il redécouvrait Gluck et en particulier son Orphée et Eurydice, qu’il s’apprêtait à diriger chez lui, à Weimar.
Ce fut comme s’il avait été touché par la grâce, et voilà que notre Liszt se sent investi d’une mission : composer une sorte de prélude à l’opéra (qui a déjà une fort belle ouverture, merci). Il écrit donc un poème symphonique dédié au héros mythologique en présentant ainsi le « premier poète musicien » (tenez-vous bien) : « Il symbolise le caractère sereinement civilisateur des chants qui rayonnent de toute œuvre d’art, leur suave énergie, leur auguste empire, leur sonorité noblement voluptueuse à l’âme, leur ondulation douce comme les brises de l’Élysée ».
Outre qu’on peut considérer que les brises de l’Élysée ont par ici un peu perdu de leur douce poésie, il faut reconnaître à Liszt le fait d’avoir composé sur cette sorte d’argument une partition tout à fait fidèle à cet esprit.
Léger, éthéré, comme en suspension dans l’air, d’une beauté diaphane, le plus court poème symphonique de Liszt (et son quatrième) est une forme de lévitation où l’on se laisse volontiers entraîner pour regagner un peu de sérénité perdue, mais qui, des accents d’Orphée cherchant son Eurydice, risque aussi de vous pousser, si vous l’écoutez en prélude à la nuit, dans les bras de… Morphée…