15 janvier 1890 : “C’est fort joli !!!”
Merveilleux chef-d’œuvre connu de tous, le ballet La Belle au bois dormant de Tchaïkovsky est créé il y a 131 ans jour pour jour, dans une chorégraphie de Marius Petipa.
Il n’est pas coutumier de l’auto-satisfaction, Piotr Ilitch Tchaïkovsky. Au contraire, même. Mais cette fois, il est content. Lorsqu’il écrit ces mots dans son journal, le 14 janvier 1890, il vient d’assister à la répétition générale de son nouveau ballet La Belle au bois dormant en présence du tsar Alexandre III lui-même, qu’on imagine mal en fan d’un ballet délicat. Le compositeur écrit d’ailleurs que le tsar l’a traité « avec beaucoup de condescendance. Que Dieu lui pardonne. »
Le lendemain, c’est la création publique. Il y a donc cent trente-deux ans aujourd’hui, au théâtre Mariinsky, sous la direction de Richard Drigo et dans une chorégraphie de Marius Petipa. Le succès est immense dans le public comme dans la critique, c’est le carton plein.
Tout commence au printemps 1888. Le directeur des théâtres impériaux de Saint-Pétersbourg, Ivan Vsévolojski, indique alors à Tchaïkovsky qu’il souhaite monter un ballet sur le thème de La Belle au bois dormant de Perrault, en le situant à l’époque de ce dernier et donc avec une musique elle-même inspirée des compositeurs de l’époque. Dans le ballet, il faudrait d’ailleurs convoquer les personnages bien connus de Perrault, du Chat botté au Petit poucet en passant par Cendrillon et Barbe-bleue.
Accaparé par sa cinquième symphonie, Tchaïkovsky ne répond qu’au tout début du mois de septembre qu’il accepte avec joie de composer la musique du ballet, dont le livret lui a été transmis entretemps. Il pense qu’il n’aura pas terminé pour la saison en cours et il repousse donc à la saison 1889-90. Il rencontre Vsevolojski et Petipa à plusieurs reprises pour coller le plus possible à l’argument et aux idées chorégraphiques de ce dernier.
En trois semaines, entre décembre et janvier 1889, Tchaïkovsky – qui a mis du temps à vraiment s’y mettre – termine l’introduction, le prologue et les deux premiers actes (pour le piano). Il part ensuite en voyage vers l’Allemagne et la France, composant par à-coups le dernier acte, y compris au retour, entre Marseille et Istanbul, promettant d’avoir terminé pour la mi-juin. C’est chose faite au moment annoncé, mais il reste alors toute l’orchestration à réaliser. Il le fait en travaillant pratiquement jour et nuit pendant trois mois. La partition est totalement achevée le 28 août 1889.
Prise dans son entier, la partition dure quatre heures, ce qui est énorme pour un ballet. Il n’y a pas qu’Aurore qui risque le sommeil de cent ans…. On la réduit donc souvent à 2h30 dans les faits.
Une suite en a été tirée plus tard, mais je vous propose plutôt l’apothéose et le finale de ce merveilleux chef-d’œuvre, joué par l’orchestre qui l’a créé – du moins ses ancêtres – le Mariinsky (qui s’appelait encore Kirov à ce moment-là) de Saint-Pétersbourg, sous la direction fiévreuse et pressée de Valery Gergiev. L’air solennel de l’apothéose vous dira peut-être quelque chose (et pas seulement si vous venez de revoir le dessin animé de Disney). On l’entend aussi à la fin du Voyage à Reims de Rossini. C’est la reprise d’une vieille chanson française qui célèbre le bon roi Henri, clin d’œil à Perrault et donc à la France.
À chaque jour son instant classique !
Rubrique : « Le saviez-vous ? »