15 février 1919 : les 1001 sortilèges de Nielsen
Instant classique – 15 février 1919… 101 ans jour pour jour. Pour monter une nouvelle production de la pièce Aladdin du dramaturge Adam Oehlenenschläger au théâtre royal de Copenhague au début de l’année 1919, le metteur en scène Johannes Poulsen fait appel à Carl Nielsen, qui a alors cinquante-trois ans, pour en faire la musique de scène.
Carl August Nielsen, qui est le compositeur danois le plus illustre dans son pays avec Niels Gade, écrit à cette fin une partition très consistante, la plus longue en matière instrumentale de sa production. Il y met beaucoup de son génie inventif et mélodique, en l’agrémentant de sonorités certes orientalistes, mais aussi très audacieuses.
Hélas, il n’y a guère d’alchimie entre les deux artistes. Johannes Poulsen accorde assez peu de crédit à la musique et entreprend de mélanger les morceaux à sa guise. Sa mise en scène un peu envahissante rogne par ailleurs la fosse d’orchestre, le tout provoquant la colère de Nielsen, qui refuse alors de voir son nom associé à cette production. Laquelle, par ailleurs, fait un four.
Pour autant, Nielsen reprend souvent sa partition pour en jouer des extraits un peu partout en Europe, avec cette fois un grand succès, et il en cristallise une suite pour orchestre en 1923. C’est d’ailleurs l’une de ses partitions les plus connues. On raconte aussi que c’est la dernière œuvre musicale qu’il entendit à la radio juste avant de succomber aux suites d’une crise cardiaque alors qu’il devait précisément diriger une reprise de la suite pour orchestre en octobre 1931.
Cette suite comporte sept parties, avec la fameuse ouverture constituée d’une marche orientale, suivie du rêve d’Aladin et de la danse de la brume matinale, des danses hindoue et chinoise, de l’ensorcelant marché d’Ispahan et de l’énigmatique danse des prisonniers, qui précède le déchaînement irrésistible de la « danse nègre » comme on disait à l’époque.
Le tout dirigé ici par l’un des grands spécialistes de la musique de Nielsen, Herbert Blomstedt, le plus grand (dans tous les sens du terme) chef d’orchestre suédois vivant.