11 octobre 1947 : la victoire en déchantant
Instant classique – 11 octobre 1947… 72 ans jour pour jour. Dans sa symphonie n°5, qui datait de 1944 et qui avait été créée au début de 1945, Sergueï Prokofiev faisait passer un souffle d’optimisme et même, dans le finale, de joie populaire consécutive à la victoire sur les nazis.
Deux ans plus tard, durant l’hiver 1946-47, Prokofiev compose sa sixième symphonie, l’avant-dernière. Changement de décor. Tout y est inquiétude, et même angoisse. Les rythmes de cuivre, les atmosphères oppressantes, jusqu’à l’implacable tic-tac du second mouvement, tout montre que la victoire si grandement fêtée précédemment a laissé place à une certaine désillusion.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la symphonie est assez mal accueillie, il y a tout juste soixante-douze ans aujourd’hui. Même Miaskovsky, l’ami de Prokofiev, y va de sa critique – néanmoins modérée : « Je n’ai commencé à la comprendre et à l’apprécier qu’à partir de la troisième audition : c’est profond, mais un peu sombre et orchestré avec dureté ».
Seul ce troisième (et dernier) mouvement, avec ce rythme dansant et joyeux qui l’ouvre, semble renouer avec la sérénité, jusqu’à une certaine frénésie. Mais hélas, à quelques mesures de la fin, l’inquiétude revient, et avec elle ces rythmes cuivrés du début. Plus rien ne sera comme avant. Prokofiev, lui, était déjà depuis longtemps le prisonnier – dans une cage dorée – du pouvoir soviétique. Il y mourrait le même jour que Staline, un peu plus de cinq ans après.
Voici ce fascinant finale non pas par Mravinsky, qui crée la symphonie à Léningrad, mais par Gennadi Rozhdestvensky, qui connait son Prokofiev.