11 novembre 1889 : Désir, possession et désespoir
Instant classique – 11 novembre 1889… 130 ans jour pour jour. Certes, parler de Don Juan un 11 novembre peut paraître incongru, mais je n’ai pas trouvé de Requiem. Mais non, aujourd’hui, c’est l’un des grands chefs-d’œuvre d’un jeune homme de 25 ans (lors de la création) que je vous propose.
C’est en lisant le poète Nikolaus Lenau, et non Tirso de Molina ou Molière, que Richard Strauss – alors en voyage en Italie – a l’idée de composer un poème symphonique sur ce personnage terriblement antipathique dont il ne fait pas de doute qu’il aurait aujourd’hui de très gros ennuis et pas seulement pour avoir tué le Commandeur…
Le compositeur tire trente vers du texte de Lenau et construit une partition qui constitue volontairement sur cette base une œuvre à programme. D’ailleurs, Strauss avait fait rajouter ces vers en tête des programmes de salle. Il y choisit trois grands thèmes, ceux qui constituent le titre de la chronique d’aujourd’hui. Son personnage est donc irrésistible mais violent et insatiable. Comme l’écrit Romain Rolland, il veut « étreindre toute la jouissance humaine » mais ne fait qu’aboutir à un irrépressible dégoût et à la mort.
Vous n’aurez donc pas de mal, d’entrée, à identifier l’orgueil du héros, sa prétention même, son sentiment de puissance, avec cet “allegro molto con brio” qui ouvre la partition et qu’on entend revenir presque jusqu’au bout. Mais, peu à peu, de funestes accords annoncent que tout ceci finira mal. On n’y pense presque plus puisque Don Juan poursuit ses conquêtes plus ou moins consentantes (motif du désir) et d’un seul coup, comme une couverture de nuit, tout semble s’éteindre. Une agonie brutale et brève, puis le silence.
Ce chef-d’œuvre absolu de l’histoire de la musique symphonique est créé à Weimar il y a tout juste cent trente ans, sous la direction de son auteur, qui remporte un triomphe. Cette partition n’a depuis jamais quitté les programmes des salles de concert.
Il y a pléthore d’interprétations, le plus difficile est donc de choisir. Celle que je propose est l’une des meilleures de toute l’histoire du disque, celle de Rudolf Kempe avec la Staatskapelle de Dresde. L’intégrale de l’œuvre pour orchestre qu’il y a gravée au début des années 1970 est considérée encore aujourd’hui comme le sommet de la discographie.