Sortie du jour : en novembre, Avril se découvre
Aujourd’hui sort « Avril et le Monde truqué« , film d’animation réalisé par Christian Desmares et Franck Ekinci, sur un scénario de Benjamin Legrand et Franck Ekinci, d’après une création et un univers graphique propres à Tardi. Ce film a reçu le prestigieux Cristal du long-métrage au Festival international du film d’animation d’Annecy.
Le film a reçu de nombreux soutiens, notamment de StudioCanal, de la RTBF (Belgique) et d’Arte France Cinema, sans parler des personnalités prêtant leur voix aux différents personnages : Marion Cotillard, Jean Rochefort, Olivier Gourmet, Philippe Katerine, Marc-André Grondin et Bouli Lanners.
Synopsis
1941. Le monde est radicalement différent de celui décrit par l’Histoire habituelle. Napoléon V règne sur la France, où, comme partout sur le globe, depuis 70 ans, les savants disparaissent mystérieusement, privant l’humanité d’inventions capitales. Ignorant notamment radio, télévision, électricité, aviation, moteur à explosion, cet univers est enlisé dans une technologie dépassée, comme endormi dans un savoir du XIXème siècle, gouverné par le charbon et la vapeur. C’est dans ce monde étrange qu’une jeune fille, Avril, part à la recherche de ses parents, scientifiques disparus, en compagnie de Darwin, son chat parlant, et de Julius, jeune gredin des rues. Ce trio devra affronter les dangers et les mystères de ce Monde Truqué. Qui enlève les savants depuis des décennies ? Dans quel sinistre but ?
Deux questions à Jacques TARDI
Pourriez-vous nous citer quelques-unes des idées de scènes et de concepts visuels que vous avez suggérés en lisant les différentes versions du script ?
« Je n’ai pas été sur le terrain du début à la fin. Je suis surtout intervenu sur le début, sur la définition et la représentation des personnages, en réalisant des esquisses, des dessins de leurs costumes, en travaillant sur leurs attitudes, leurs manières de bouger, de se déplacer. J’ai également commencé à dessiner un storyboard sur la base de la dernière version du scénario. Il a permis de définir l’ambiance de la fête foraine au début, de l’intérieur de la statue en construction, des intérieurs de laboratoires, jusqu’au téléphérique. Ensuite, j’ai arrêté, parce que cette séquence du téléphérique a été filmée, et que je me suis rendu compte que certaines de mes idées avaient disparu au cours du processus. Je me suis donc demandé s’il était bien nécessaire que j’entreprenne un tel travail de storyboard jusqu’au bout de l’histoire, compte tenu que ce que je faisais était beaucoup plus poussé que les dessins d’un storyboard habituel. Je me suis rendu compte que, n’étant pas sur place tout le temps, les choses changeaient forcément, et comme ce projet durait déjà depuis des années et que j’étais pris par MOI RENÉ TARDI, PRISONNIER AU STALAG B, l’histoire de mon père, j’ai dit à l’équipe que je pensais leur avoir donné toutes les bases graphiques et les idées que je pouvais leur apporter pour qu’ils achèvent le film de leur côté. Au début, j’allais sur place, au studio, et je faisais la tournée des ordinateurs pour examiner ce qui avait été fait. Cela me mettait dans la position assez désagréable de devoir corriger le travail de certains artistes en leur disant« Non, non, il faut faire ça comme je te l’avais montré… » Et cela, ce n’est vraiment pas plaisant. J’ai préféré leur laisser la liberté de faire les choses à leur manière. »
Même si vous avez été très impliqué dans le film au début du projet et que vous avez participé à de nombreuses étapes de sa fabrication, arrivez-vous à avoir un peu de recul et à en être le spectateur ? Qu’avez-vous ressenti en le découvrant enfin achevé ?
« J’avoue que j’ai été assez surpris et content. Je n’avais vu auparavant qu’un bout à bout avec des scènes en cours d’animation ou manquantes, mais j’ai trouvé que le film achevé était réussi, et j’ai découvert avec plaisir beaucoup de choses qui avaient été conçues directement par l’équipe. J’ai retrouvé mon dessin, réinterprété par Christian Desmares, qui a été co-réalisateur et chef animateur, et j’ai regardé cela avec attention, en étant ravi de constater que cela marchait bien. Cela a vraiment été une agréable surprise. Je trouve que « Je suis bien content » porte bien son nom et a su tenir le coup pendant six ans pour faire aboutir le projet comme il le fallait. Je ne crois pas que j’aurais pu avoir une telle ténacité et c’est la raison pour laquelle je suis satisfait d’œuvrer dans le domaine de la bande dessinée, où je peux travailler seul, sans avoir d’autorisation à demander à personne, en me servant seulement d’une gomme et d’un crayon pour raconter mes histoires. Je peux faire sauter tous les ponts et faire dérailler toutes les locomotives à ma guise, sans faire exploser le budget ! Je n’ai pas besoin de financements énormes, et je me sens complètement libre. Evidemment, ce moyen d’expression sur papier a ses limites : il est très difficile de faire passer les sentiments, par exemple, alors qu’un acteur ou une actrice de talent saura les exprimer au cinéma. Et il n’y a pas non plus de bande son. Mais l’avantage est que le texte est écrit et que le lecteur peut à tout moment revenir en arrière pour relire un passage qui lui a échappé, tout en restant dans la continuité de la découverte de l’histoire. La bande dessinée laisse aussi le choix du rythme de lecture du récit. Au cinéma, si vous avez oublié un nom ou raté un détail, cela peut vous gêner pendant tout le reste de la séance. Bien sûr, le problème ne se pose pas si vous regardez un DVD ou un Blu Ray, mais il vaut quand même mieux découvrir les films en salles ! »
Exposition autour du film d’animation
En ce moment même et jusqu’au 6 mars 2016, le Musée des Arts et Métiers accueille « Avril et le monde truqué : Enquête au musée », une exposition autour de ce film d’animation.
Les visiteurs découvriront les décors et personnages du film, quelques planches originales, des objets personnels du dessinateur Tardi, mais aussi des pièces d’habitude cachées dans les réserves du musée.
Tout comme l’héroïne du film, Avril, les plus jeunes seront invités à enquêter sur les disparitions de scientifiques.