Pedro Almodovar, cinéaste de la transgression à l’espagnol
Son nom est longtemps été synonyme de transgression, d’humour osé, de mélodrames flamboyants et d’héroïnes hors normes… Né dans l’Espagne en noir et blanc de la dictature, Pedro Almodovar, qui préside le jury du festival de Cannes cette année, a raconté en 20 films hauts en couleur la libération d’une société et s’est imposé comme l’incarnation du cinéma espagnol.
[avec AFP]
Le succès de l’extravagant vaudeville Femmes au bord de la crise de nerfs en 1988 le lance à l’international. Il aura suffi de quelques années pour que le Madrilène devienne le porte-drapeau d’une Espagne en quête d’une nouvelle identité.
Père absent et mère adulée
Né en septembre 1949 dans la région aride de La Manche, au centre de l’Espagne, Pedro Almodóvar Caballero a rarement évoqué son père – un muletier qui disparaissait des semaines entières pour aller vendre du vin – décédé l’année de son premier film en 1980.
Mais sa mère a été la grande figure de sa vie, et l’exploration des liens maternels un de ses thèmes de prédilection : « Ma passion pour la couleur est la réponse de ma mère à tant d’années de deuil et de noirceur contre nature ; j’ai été sa vengeance sur la sombre monochromie imposée par la tradition », confiait-il en 2004.
Pedro a 16 ans quand il gagne Madrid. L’école de cinéma étant encore « fermée par Franco », c’est à la cinémathèque qu’il découvre ses maîtres pour toujours : Hitchcock, Bergman, Buñuel…
Être une femme…
Gagnant sa vie comme agent administratif de la compagnie de téléphone publique, le jeune homme plonge tête la première dans « l’underground » madrilène, s’adonne au « punk-glam-rock » et, dès 1974, tourne de petits films en super 8.
Vingt films s’enchaînent, vingt films tournés en Espace, avec des actrices comme commune obsession : Carmen Maura, Rossy de Palma, Penélope Cruz, Marisa Paredes… Ses héroïnes sont souvent des femmes passionnées, obstinées, tenues de se réinventer pour faire face aux crises et aux rebondissements – improbables – qu’Almodovar glisse invariablement dans ses scénarios.
Il est aussi l’un des premiers à peupler de transsexuels et de travestis ses œuvres à l’esthétique kitsch, comme dans La mauvaise éducation, certainement son film le plus personnel sur l’amitié de deux garçons dans un internat catholique dirigé d’une main de fer.
Le nouveau Almodovar
Ces cinq dernières années, Almodovar est passé d’un thriller dérangeant, La piel que habito à une comédie fantasque dans les airs, Les amants passagers, puis au mélodrame pur, Julieta, portrait d’une mère qui cache un lourd secret. Pour expliquer cette nouvelle gravité, il évoque souvent sa propre vie d’homme vieillissant et solitaire, reclus avec chat et « fantasmas » (fantômes ou fantasmes en français).
Cinq fois en compétition officielle à Cannes, il n’a jamais reçu la Palme d’or, même si en 2006, Volver avait reçu le prix du meilleur scénario et celui d’interprétation collective pour l’ensemble de ses actrices. Deux de ses plus grands succès ont été récompensés par des Oscars : les mélodrames Tout sur ma mère et Parle avec elle.