Lisardo Lombardía : « Au festival Interceltique, la magie de la découverte opère encore »
Le festival Interceltique de Lorient, né en 1971, fête cette année sa 47e édition, avec l’Écosse comme pays à l’honneur. Au fur et à mesure des années, il s’est imposé comme le plus grand événement de musique de France, et même le plus grand événement festival de l’Hexagone, toutes catégories confondues, avec plus de 700 000 spectateurs l’an dernier.
Nous avons rencontré son directeur, Lisardo Lombardía.
Que pouvez-vous encore espérer pour le festival Interceltique, alors qu’il semble tourner aujourd’hui comme une grosse machine ?
Je n’aime pas trop le qualificatif « grosse machine », même si je comprends très bien qu’il décrit effectivement le montage, l’organisateur et l’ampleur du festival Interceltique. Quand tu organises un événement qui rassemble 215 groupes venus majoritairement de l’étranger, même si une forte délégation bretonne est présente chaque année, cela implique nécessairement une lourde organisation. Mais nous continuons de soigner le côté humain, en privilégiant toujours plus de petits espaces de rencontre. Nous ne sommes pas du tout un rassemblement recherchant à tout prix le nombre. Si les spectateurs viennent, c’est bien parce qu’ils se retrouvent dans les propositions que nous faisons : certains endroits sont des havres de paix, très calmes, d’autres sont très sollicités avec de nombreuses animations.
Comment parvenez-vous à rassembler des catégories sociales si différentes ?
La magie de la découverte opère encore. Je dirais que le festival Interceltique garde une dimension très naturelle, caractérisée par la simplicité des échanges, tant entre les professionnels qu’avec les festivaliers. Par ailleurs, nous préservons des tarifs abordables, avec des prix situés dans le quart inférieur des tarifs en France ; l’an dernier, notre tarif moyen était de 20 euros… sans parler des spectacles à entrée libre ! Ce n’est pas pour rien que l’événement a été élu à trois reprises « meilleur festival urbain de France » en quatre ans. « Urbain » parce que nous cohabitons avec l’activité courante de la ville.
L’an dernier, vous receviez l’Australie, avec des artistes développant notamment une forte dimension intimiste comme Chris Kenna et Melissa Cox. Qu’apporte spécifiquement le choix de l’Écosse cette année ?
Il y a un renouveau d’une immense qualité. La musique écossaise est aujourd’hui loin de ces musiques – très bien exécutées, mais carrées et sans évolution – que nous avons eu l’occasion d’entendre pendant de longues années. Toutes les barrières sont désormais tombées ; un extraordinaire travail de fond a été par dans le pays. C’est un levier impressionnant ! Pour le pavillon, nous avons lancé un appel à candidatures pour une dizaine de postes : soixante-et-onze propositions de qualité, la plupart venant de jeunes artistes, nous ont été transmises ; nous avons finalement décidé d’en programmer quinze. Le choix ne fut guère simple.
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Vous dirigez le festival depuis dix ans maintenant, après l’avoir fréquenté pendant de nombreuses années, comme responsable de la délégation des Asturies, d’où vous êtes originaire. Existe-t-il encore un ou plusieurs projets que vous aimeriez encore développer ?
Je ne sais pas si je souhaite développer un projet particulier mais ce qui est certain, c’est que j’aimerais aller plus loin dans ce que nous faisons aujourd’hui : plus de présence, plus d’alternatives à la culture celtique qui se développe en Europe et au-delà. Il existe en effet toute une diaspora, déjà mise à l’honneur lors d’une édition passée, qui s’est considérablement développée cette année. Quand on pense à la musique celtique, on a aussitôt le nord de l’Europe en tête. C’est oublier la grande diaspora récente qui a permis à d’excellents groupes musicaux d’émerger, à l’est du Canada, en Amérique latine…
Telle est la formidable aventure que présentera José Ángel Hevia, en première mondiale, lors du festival Interceltique : son nouveau travail issu des répertoires de l’immigration, « Al son del Indianu », montre cette relation intime qui existe entre la musique celtique et les sons cubains, les rythmes des Caraïbes, la salsa… La richesse du festival repose sur la découverte incessante de nouveaux territoires musicaux et de nouveaux talents.
Le festival Interceltique a cette réputation de faire découvrir d’innombrables talents depuis près de cinquante ans. Cette dimension semble vous tenir toujours à cœur…
Évidemment. Nous cherchons toujours à garder un équilibre entre célébrités et découvertes. Certains artistes sont certes incontournables, comme Amy Macdonald, dont le répertoire écossais est désormais connu dans le monde entier, ou encore le groupe RunRig, qui connaît un succès phénoménal en Écosse, au Danemark, en Suède ou en Autriche. Mais nous aurons également Talisk, Fara et un tas d’autres artistes extraordinaires que le public français aura à découvrir.
Propos recueillis par Pierre GELIN-MONASTIER
Photos de l’article – Lisardo Lombardía
Crédits : Pierre Gelin-Monastier / Profession Spectacle