L’État à la rescousse des arts du cirque : un milieu artistique sur le qui-vive
Annoncée à diverses reprises cet été par la ministre de la culture, Audrey Azoulay, la réforme budgétaire prévue pour la culture a été officiellement confirmée dans un communiqué, le 6 juin dernier. La « hausse historique » annoncée est très encourageante pour l’ensemble des secteurs de la culture, et particulièrement les arts du cirque, jusqu’ici soumis à des conditions financières et matérielles délicates. Mais qu’en est-il de l’application concrète de cette aide financière ?
Publié le 2 décembre 2016 – Mis à jour le 8 décembre 2016
Avec une hausse de 7 % du budget alloué aux arts du cirque, soit près d’un million d’euros, c’est une nette amélioration du soutien de l’État aux arts du cirque qui se profile. Le plan annoncé prévoit notamment un renforcement du soutien financier au Pôle National des Arts du Cirque avec un plancher minimum de 200 000 € en 2016, et 250 000 € en 2017. « Ces mesures font suite à des négociations à l’occasion de la réécriture du texte-cadre des Pôles cirque qui faisait apparaître la nécessité d’un plancher à au moins 300 000 €, plancher restant à atteindre à termes donc et à revendiquer, nous explique l’association Territoire de Cirque. À ce jour, le plancher de 250 000 € a bien été validé pour 2017. Mais, il n’y a pas encore de visibilité pour 2018. »
Des mesures précises à l’application encore floue
Est également programmée la reconnaissance officielle de deux compagnies nationales supplémentaires, celles de Johan Le Guillerm et de Jérôme Thomas, qui viennent s’ajouter aux compagnies nationales déjà existantes, à savoir le Cirque Plume, le collectif XY, Phia Ménard, Mathurin Bolze et Les Colporteurs. Le ministère mentionne aussi dans son communiqué une prise en compte des difficultés qu’implique l’itinérance du cirque ; des aides à l’itinérance seront donc « renforcées en 2016 ». Par ailleurs, deux compagnies verront leur conventionnement réévalué : la compagnie des Galapiats et celle des Rasposo, tandis que le ministère prévoit pour 2017 un soutien adapté aux artistes associés aux pôles bénéficiant d’une convention. Enfin, il est prévu une consolidation des réseaux internationaux des associations professionnelles.
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Ce programme d’aides est certes prometteur, mais donne peu d’informations sur le délai relatif à sa mise en application. Il est en effet difficile d’obtenir des précisions quant à la mise en place de ces nouvelles mesures ; le ministère de la culture, en dépit de nos nombreuses sollicitations, n’a pas souhaité apporter de réponses. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup, dit la sagesse populaire. Ce qui est sûr, c’est que de nombreuses incertitudes demeurent, laissant les professionnels sur le qui-vive. Ainsi le directeur d’un célèbre cirque de la région Nouvelle-Aquitaine a-t-il également préféré rester discret, après être engagé à nous répondre, afin de ne pas perdre un éventuel avantage : des négociations sont en cours pour sa structure, mais aucun accord n’est encore officiel.
Un bel engagement à la pérennité incertaine
Si ces mesures seront ainsi une aide certaine pour le secteur du cirque, celui-ci a d’autres requêtes vis-à-vis de l’État : « Territoire de cirque travaille au contenu d’un Programme « résidence cirque », programme d’aide à la résidence financé par l’État s’adressant à l’ensemble des structures culturelles accompagnant la création de cirques. Nous avons des signaux de soutien de la part du ministère » Ce texte, en cours de rédaction, devrait paraître début 2017.
C’est donc sur un ensemble de dispositions nouvelles de l’État que pourra s’appuyer le Pôle National des Arts du Cirque : les débuts encourageants pour l’année 2016 et l’engagement pris pour 2017 constituent une avancée certaine des démarches du ministère de la culture à cet égard. Toutefois, nous sommes en droit de nous interroger sur la pérennité des mesures évoquées, à quelques mois des élections présidentielles.
Des garanties pour les structures, pas pour les artistes
Quelles sont en effet les garanties ? « Concernant le label Pôle National Cirque, il y a des garanties puisque le montant plancher d’intervention est inscrit dans leur texte majeur qu’est leur « Cahier des missions et des charges », qui va prochainement être publié par décret, nous répond Yannis Jean, délégué général du Syndicat des Cirques et Compagnies de Création. Concernant les compagnies, il n’y a aucune garantie que cela s’inscrivent dans la durée, au delà des conventions (de 4 ans) qu’ils négocient aujourd’hui. »
Ainsi les structures sont presque assurées d’être renforcées, mais pas la compagnies… d’où la fébrilité de ces dernières à nous répondre aujourd’hui ; toute parole malheureuse pourrait les compromettre. Il n’est qu’à espérer que le nouveau gouvernement, quel qu’il soit, renforce l’engagement initié par Audrey Azoulay et son équipe. Car comme nous le confie Yannis Jean non sans amertume : « Ça a toujours été ainsi, au ministère de la culture, les plus précaires ont toujours été les artistes et leurs outils que sont les compagnies… »
Joseph RIXÈRE