Le Off d’Avignon fête ses 50 ans avec 1 400 spectacles et de grands chantiers
Qui aurait pu penser que la présentation de Statues par André Benedetto au théâtre des Carmes, en marge du festival d’Avignon, marquerait la naissance du Off ? Certainement pas l’artiste lui-même. C’était le 10 juillet 1966, il y a 50 ans. Depuis, l’événement n’a cessé de s’étendre, jusqu’à proposer 1336 spectacles l’an dernier, 1416 cette année. Une croissance jamais démentie qui n’est pas sans poser des difficultés. Profession Spectacle était à la conférence de presse.
Au lendemain de la traditionnelle parade, le Off 2016 s’ouvrira par un hommage à André Benedetto pour son geste prophétique. Dans la matinée du 7 juillet sera effectivement dévoilée une plaque en hommage à André Benedetto (1934-2009) dans le théâtre des Carmes qu’il a fondé en 1963.
« Le Off n’est pas un festival ! »
S’enchaîneront ensuite, durant près de trois semaines, plus de 1400 spectacles, soit une centaine de plus que l’an dernier. Raymond Yana, président de Avignon Festival et Compagnies (AF&C) depuis peu, ne s’étend pas sur le chiffre.
Lors de la conférence de presse qui eut lieu mardi 31 mai à Paris, il rappelle en effet que « le Off d’Avignon n’est pas un festival, mais un événement, car à la différence du festival In, il n’y a pas de programmation artistique. Nous n’avons donc aucune intention de bannir qui que ce soit, ni de favoriser l’un plutôt que l’autre ». Au risque de la contradiction, l’association qu’il préside porte bel et bien le terme « festival », bien que sa mission soit « simplement d’accompagner le Off ».
Une politique des grands travaux
Depuis qu’il a succédé à Greg Germain en janvier dernier, Raymond Yana a renforcé la collégialité des décisions au sein du conseil d’administration, qui ne compte que deux femmes sur dix-sept membres – « les hasards d’une élection », nous répond Nikson Pitaqaj, en charge cette année du Village Off.
Et les décisions à prendre sont nombreuses ! L’AF&C a ainsi institué différentes commissions chargées de travailler, outre la collégialité, autour de cinq axes :
– le soutien à la professionnalisation,
– une sensibilisation à la dimension écologique,
– la restructuration du Village du Off,
– le développement des publics,
– l’autonomie et l’indépendance de l’événement.
Raymond Yana mise ainsi sur un projet ambitieux en trois ans, durée de son mandat, afin de reposer des questions que le Off semblait avoir abandonnées par impuissance.
Voici quelques-unes des mesures-clefs…
Professionnaliser davantage le Off
L’AF&C met en place un double système permettant une meilleure visibilité des spectacles : une pastille colorée distinguera dorénavant les spectacles proposés par des compagnies à pratique amateur et les compagnies professionnelles disposant d’une licence (DRAC) ; seront également mises en avant les 1042 créations présentées pour la première fois à Avignon.
Raymond Yana annonce par ailleurs la création d’un fonds de soutien de professionnalisation et de régulation, prévu pour 2018. Ce fonds reposerait en grande partie sur l’instauration d’une billetterie centralisée et le prélèvement de 60 centimes sur chaque billet. La difficulté d’une telle opération repose d’une part sur l’accord des lieux pour céder leur billetterie personnelle, d’autre part sur le nombre de spectateurs concernés. Bien des chiffres ont été avancés quant à la fréquentation de l’événement sans jamais avoir pu être vérifiés.
Dans le Village du Off, le mot d’ordre est simple : plus d’ouverture, plus de convivialité, plus de rencontres interprofessionnelles ! S’y dérouleront rendez-vous classiques et nouveautés destinées à créer une synergie entre professionnels. Plusieurs thèmes d’ateliers sont déjà annoncés : le mécénat, la comptabilité, la diffusion, les relations presse, la communication digitale…
La Maison commune prévoit également des rencontres animées par les compagnies, des rencontres professionnelles, des apéros politiques, etc., ainsi que des concerts – chaque week-end – entre 23h et 2h du matin.
Devenir un éco-festival
Le Off peut-il devenir un éco-festival ? Tel est en tout cas le souhait de Raymond Yana, notamment concernant l’affichage. « La difficulté est que l’affichage est surtout une affaire sentimentale et psychologique, explique-t-il. Quand une pièce n’a pas assez de spectateurs, la compagnie se dit aussitôt qu’elle doit ajouter des affiches pour plus de visibilité. Mais ce n’est pas vrai, cela ne fonctionne pas. Ma longue expérience m’a montré que le contact direct avec les gens est bien plus utile. »
Parmi les mesures annoncées : limitation du format et des matières utilisées pour les affiches, accentuation du tri sélectif, valorisation d’une restauration constituée de produits locaux… Plus encore, l’AF&C a d’ores et déjà annoncé que certains lieux seront neutralisés : la rue des écoles, ainsi que diverses grilles et deux places sur lesquelles interviendront différents artistes de street art chargés d’illustrer visuellement le spectacle vivant.
Cibler les familles
Avec une moyenne d’âge de plus de 50 ans, le Off peine à attirer les familles. Il faut dire que le coût élevé de l’hébergement, des transports et des places ne permet pas aux plus démunis (public comme compagnies !) de s’y rendre facilement. Tout un chantier est en réflexion, notamment avec la ville d’Avignon pour ce qui concerne parkings et transports, ainsi qu’avec des écoles et des universités, pour attirer étudiants et familles.
Sur les 1416 spectacles en 2016, 166 sont destinés au jeune public. Un point « jeune public » sera d’ailleurs mis en place dans le Village du Off, sous la direction du journaliste Philippe Verrièle.
« Le Off d’Avignon est menacé par deux grands dangers, conclut Raymond Yana, l’éclatement et la privatisation. Car il n’y a rien de plus facile que de privatiser l’événement. C’est pourquoi il faut un effort collectif. » La billetterie centralisée apparaît comme une réponse à ces deux dangers.
L’effort collectif semble également passer par un dialogue – aujourd’hui quasi inexistant – avec leur frère ennemi : le festival In. Gros dossier ! Profession Spectacle sera en Avignon tout le long du festival et vous tiendra informé de ce qui s’y passe, s’y joue, s’y dit, s’y vit.
Pierre GELIN-MONASTIER
L’édition 2016 en quelques chiffres
- 129 lieux dont 123 théâtres
- 1 416 spectacles
- 1 042 créations présentes pour la première fois à Avignon
- 166 pour le jeune public
- 292 spectacles non francophones dont 135 venus de l’étranger
- 41 spectacles en plein air
- 120 000 programmes exhaustifs imprimés
- 10 000 affiches
- 150 000 plans
- 140 000 cartes postales
- 80 000 cartes d’abonnement