Hadopi contre le made in France ?
Troisième et dernier volet de notre synthèse sur le rapport du Deps : les effets de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, plus connue sous le nom de Hadopi. Cet aspect sortant des problématiques du soutien de l’État et des initiatives lancées par les collectivités locales et territoriales, Profession Spectacle a voulu en faire une question à part, en raison des conclusions étonnantes liées à cette institution.
Le rapport du Deps met en avant l’effet pervers d’Hadopi sur la vente des places de cinéma en faveur des films américains, au détriment du cinéma français. Tel est l’effet des politiques publiques contre le piratage musical et audiovisuel et de la réponse graduée mise en place par la France depuis 2009.
Une action qui favorise les plus riches
L’étude prouve que la plupart des internautes français méconnaissent le fonctionnement de la Hadopi et de son principe de la réponse graduée, en surévaluant le risque réel d’être détecté et sanctionné, ce qui, dans le fond, ne dessert pas la cause pour laquelle la Haute Autorité a été mise en place.
Elle prouve encore que ce sont les gens les plus cultivés et les mieux informés, de classes sociales les plus élevées, qui ont le mieux compris comment la contourner. Ainsi, « l’efficacité des effets dissuasifs pourrait être en partie liée à la perception que les utilisateurs ont des capacités de surveillance de l’autorité ». Ce qui revient à dire que si les internautes étaient mieux informés, le piratage serait bien plus important qu’il n’est, tant la Hadopi manque d’effectifs et tant sa méthode de chasse aux fraudeurs est hasardeuse.
Lire la première partie de notre synthèse
Inefficacité du soutien de l’État aux initiatives locales
Le cinéma français, grand perdant !
Mais c’est surtout le fait que la crainte d’être pris la main dans le sac a eu pour résultat une hausse de l’achat de places pour le cinéma américain au détriment du cinéma français qui est intéressant.
« En l’absence de loi antipiratage, certaines personnes consomment illégalement des films américains en ligne et vont en salle voir d’autres films car les copies illégales de films américains sont plus facilement disponibles sur l’internet. Lorsqu’une loi antipiratage est promulguée, une partie de ces consommateurs, par la menace de la loi, substituent (sic) leur (resic) consommation illégale de films américains en ligne par une consommation légale en salle : les recettes de billetterie des films américains en salle augmentent. »
Lire la deuxième partie de notre synthèse
De la Corse à Nantes : des initiatives culturelles controversées
Un débat qui devient politique…
Le bilan plus que mitigé de la Hadopi a conduit certains politiques à réagir, voire à proposer purement et simplement sa suppression. Cette abrogation faisait partie de l’engagement 45 du candidat Hollande… promesse non tenue. Cette idée est aujourd’hui reprise par Jean-Luc Mélenchon qui, dans son programme publié en décembre et intitulé L’Avenir en commun (Seuil), fait la proposition suivante :
« Supprimer la Hadopi, qui n’a pas fonctionné, et mettre en place un nouveau cadre du partage numérique de la culture par :
– L’instauration d’une cotisation universelle sur les abonnements internet, finançant la création et ouvrant au droit en contrepartie au téléchargement non marchand.
– La création d’un service public nouveau de l’internet et d’une médiathèque publique en ligne, avec une plate-forme publique d’offre légale en ligne de musique, films et contenus culturels. »
Matthieu de GUILLEBON
Lire aussi :
- Matthieu de Guillebon, « Inefficacité du soutien de l’État aux initiatives locales » (Deps 1)
- Matthieu de Guillebon, « De la Corse à Nantes : des initiatives locales controversées » (Deps 2)
Sur la Hadopi
- Hadopi : la loi contre les pirates naufrage les créateurs
- Bilan 3/5. Culture : François Hollande a-t-il tenu ses promesses ?
- Françoise Nyssen relance le projet d’un « centre national de la musique »
N.D.L.R. Profession Spectacle publie ici une synthèse en trois parties d’un rapport officiel qui porte sur l’évaluation des politiques publiques, non de la culture (comme le titre le suppose), mais du secteur culturel. L’approche est donc essentiellement économique et ne couvre pas les différents enjeux liés à la culture.