Des intermittents se soulèvent dans toute la France : suivez notre fil d’actualités au jour le jour
À l’heure d’une remise en jeu des article 8 et 10 de l’Unedic, dans le cadre de la renégociation de la convention assurance chômage en cours jusqu’au premier juillet, les occupations se multiplient. Un document de cadrage a été arrêté jeudi 24 mars par le patronat avec l’accord timide de la CFDT, la CFTC et de la CGC ; la CGT et FO, rejoints par la CIP, font barrage. La ministre de la culture Audrey Azouley a qualifié de « provocation » ce document de cadrage financier arbitré avec le patronat, mais les intermittents réclament toujours, par le biais de divers mouvements, la « séparation du MEDEF et de l’État ».
Suivez l’évolution des actions menées par les intermittents aux quatre coins de la France, jour après jour.
Dernière mise à jour : vendredi 6 mai à 13h.
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Jeudi 5 mai à 10h – Une réunion d’information et de mobilisation aura lieu lundi 9 mai au TNT à 10h. Cette réunion a été décidée en A.G unitaire suite à la conférence de presse ; elle s’inscrit dans la convergence des luttes à laquelle participaient, outre la CIP-MP, le TNT, SYNAVI (Syndicat National des Arts Vivants), CGT Spectacle, SUD CULTURE SOLIDAIRES, SOLIDAIRES SUD EMPLOI, DAL (Droit Au Logement), MNCP (Mouvement National Chômeurs et Précaires), Délégation de Nuit Debout et les Précaires de l’Éducation Nationale : « L’accord de branche concernant les annexes 8 et 10 est dit historique et est présenté partout dans les médias comme une victoire des intermittents. Il ne s’agit que d’un projet pour l’instant qui doit encore être soumis aux négociations de l’UNEDIC ; les négociations sont toujours en cours. »
A l’appel de la C.I.P., le TNT est occupé jour et nuit depuis 7 jours comme de nombreux théâtres et C.D.N. en France.
Lundi 2 mai à 18h45 – « À l’issue de son bureau fédéral, lundi 2 mai, en début d’après-midi, la fédération « culture, conseil et communication » de la CFDT a décidé de signer l’accord sur les annexes 8 et 10 de l’Unedic, trouvé dans la nuit du 27 au 28 avril par les partenaires sociaux. Désormais, le texte est paraphé par l’ensemble des syndicats représentatifs du secteur culturel (outre la CFDT, la CGT-Spectacle, FO, la CFTC et la CFE-CGC). » (source)
Lundi 2 mai à 18h – Lors de son AG, la KIC décide de reconduire l’occupation de la Comédie de Caen sans date limite. La prochaine AG est fixée au lundi 9 mai à 12h30.
Lundi 2 mai à 11h – Communiqué de Jean-Noël Escudié pour Localtis.info
« Il reste que l’histoire n’est pas tout à fait finie. Il s’agit en effet d’un accord de branche, qui doit s’inscrire dans l’accord interprofessionnel couvrant l’ensemble du champ de l’Unedic, en cours de négociation par les partenaires sociaux nationaux. Il semble peu probable que le Medef, mais aussi les syndicats modérés, donnent leur feu vert à un accord sectoriel qui va à l’opposé de la lettre de cadrage commune d’origine. En cas de blocage à l’Unedic, l’Etat serait alors contraint de reprendre la main. En espérant que ce nouvel épisode ne relance pas le conflit… »
Samedi 30 avril à 10h – Témoignage de Myriam Lotton, une des intermittentes qui ont occupé la Comédie de Caen.
Intermittente depuis 10 ans, Myriam Lotton était comédienne avant de croiser différents travaux, du théâtre au cinéma. Elle témoigne : « En tant qu’artiste, il y a toujours un acte poétique et politique à lier dans nos propos. Toute création tend vers une proposition sur le monde qui nous entoure, qu’elle soit critique ou qu’elle ouvre des perspectives ». C’est la raison pour laquelle Myriam est engagée dans la « convergence des luttes ». Militante au sein de la KIC – Koordination des intermittents et précaires du Calvados – l’artiste explique cette vision englobante des revendications : « Certes nous défendons notre régime de l’intermittence, mais ce faisant, nous défendons des droits qui peuvent être étendus à tous ou du moins à tous ceux qui sont dans l’emploi discontinu ! La Loi El Khomri ou la réforme de l’assurance chômage sont deux mâchoires d’une même machine ».
D’ailleurs, lorsqu’il s’agit des négociations en cours, la militante est catégorique : « Le soi-disant accord de la nuit du 27 avril n’en est pas un. D’une part, il n’y a pas vraiment d’accord à ce jour et il ne faut pas oublier que des propositions de textes doivent être adoptées par les différents syndicats de l’Unedic dont le Medef majoritaire. Ensuite, nous refusons une intervention de l’État et pire, la perspective de la création d’une caisse autonome. Nous voulons rester dans le régime interprofessionnel. La CGT a d’ailleurs fait des propositions en ce sens et soumis à l’Unedic des modèles d’assurance-chômage viables et novateurs. Reste que nous avons le sentiment qu’on essaie de miner le modèle de l’intermittence… pour éviter son extension à d’autres bénéficiaires peut-être ? »
Vendredi 29 avril à 17h – La Coordination des intermittents et précaires de Midi-Pyrénées (CIP-MP) vote la prolongation jusqu’à lundi de l’occupation du Théâtre national de Toulouse (TNT) débutée jeudi (source).
Vendredi 29 avril à 15h – Soutien de Karine Viard au régime de l’intermittence.
Vendredi 29 avril à 14h – Les intermittents, chômeurs et précaires de Rennes ont voté (la veille au soir) pour l’occupation du Théâtre National de Bretagne. En plus de l’accord signé, ils réclament le retrait de la loi El Khomri : ils seraient environ 250 à avoir investi les lieux.
Jeudi 28 avril à 23h – Communiqué de Samuel Churin, chef de file de la CIP :
« Treize ans. Treize ans de combats, de luttes acharnées à décrypter, expliquer, convaincre. Treize ans de grèves, d’occupations, d’actions. […]
Treize ans que nous disons que l’accord des intermittents du spectacle est injuste, qu’il repose sur un principe capitalisé, que les exclus du régime financent les assedics versées aux salariés à haut revenus, que l’on a des propositions mutualistes, redistributives qui plafonnent les plus « riches » pour donner aux pauvres. Nous avons tous traversé des longs tunnels, faits de doutes, de « à quoi bon puisque de toute manière on parle dans le vide », de « c’est fini j’arrête tout ». Et la nuit dernière, celle du 27 au 28 avril 2016, ILS L’ONT FAIT ! Les syndicats du secteur ont signé un accord répondant à tous ces critères. […]
Cet accord est le nôtre, c’est une immense victoire. Il faut le porter haut, s’en réjouir totalement sans rechigner. Et il faut d’autant plus le défendre, le revendiquer, qu’il est fragile. Nous devons nous battre comme des lions pour que n’en soit pas retirée une seule ligne. […]
Servons nous de cette première victoire, ne la boudons pas, prenons la en exemple contre tous les discours résignés, amplifions le mouvement afin que tous les chômeurs soient indemnisés. »
Jeudi 28 avril à 22h – À Paris, évacuation du théâtre de l’Odéon par la police : quelque 200 intermittents et membre de Nuit Debout ont été contraints de quitter les lieux. Pas de violence à signaler de part et d’autre.
Jeudi 28 avril à 17h – Occupation du théâtre des Célestins, à Lyon, par le collectif unitaire 69, qui regroupe des intermittents, des chômeurs et des intérimaires : 250 personnes (selon les sources) occupent actuellement le théâtre qui ne présente aucun spectacle cette semaine.
Jeudi 28 avril à 15h – Occupation du Théâtre national de Toulouse par des manifestants, dont des intermittents et membres de la CIP.
Jeudi 28 avril – Grève et manifestations nationales.
Si la ministre a appelé à cesser les occupations en raison de l’accord, la CGT spectacles souhaite que « la mobilisation continue sous toutes ses formes » jusqu’à sa signature.
Jeudi 28 avril à 12h30 – Communiqué du ministère de la Culture :
« C’est un accord historique que les partenaires sociaux représentatifs dans le domaine du spectacle vivant et enregistré ont trouvé la nuit dernière. Pour la première fois, la loi leur a confié la responsabilité directe de la négociation dans leur secteur d’activité. Cet accord prouve la capacité et la détermination de la profession à faire des propositions responsables, dans le sens de l’intérêt général. La vitalité de la culture en France est mondialement reconnue. […]
Cet accord, qui devrait être signé dans la journée, va permettre de consolider le régime spécifique de l’assurance chômage sur le plan financier. C’est aussi une réponse claire aux inquiétudes exprimées depuis plusieurs semaines par les professionnels du spectacle. Leurs revendications ont été entendues […]
Ce protocole d’accord doit faire maintenant l’objet d’une étude plus précise, en termes d’impact financier, par le comité d’experts. Il devrait déjà représenter un effort important, qu’il faut saluer. Comme le Premier ministre s’y était engagé en 2015, un fonds de soutien à l’emploi va par ailleurs être créé pour le secteur du spectacle, avec une dotation de l’Etat de 90 millions d’euros par an. […]
Enfin, compte tenu de l’accord, les salles de spectacle doivent désormais être rendues au public et ne pas être le lieu de revendications d’autre nature. »
Jeudi 28 avril à 12h15 – Confirmation de la CGT-Spectacle, par la voix d’Angeline Barth, secrétaire générale adjointe, que le syndicat signera bien l’accord sur les règles d’assurance chômage des artistes et des techniciens intermittents du spectacle.
Jeudi 28 avril matin – Réaction de la CGT-Spectacle à la suite de l’accord trouvé.
« La CGT spectacle réunit ses instances pour décider d’une signature en ce 28 avril 2016.
La lutte continue :
– pour s’opposer au Medef qui vient de proposer des économies inacceptable sur le dos des chômeurs du régime général ;
– pour garantir la mise à mal par le « travail gratuit » dans la loi LCAP ;
– avec tous les salariés pour le retrait de la loi Travail ! »
Jeudi 28 avril à 1h – Accord trouvé par les organisations de salariés et d’employeurs sur le régime d’assurance chômage spécifique aux intermittents, après dix heures de négociations au ministère du travail. Sont actés :
- un champ identique pour les artistes et les techniciens (mais désormais fondé sur les conventions collectives pour ces derniers et non plus sur les codes NAF) ;
- 507 heures sur 12 mois pour tous, artistes et techniciens ;
- date anniversaire ;
- une clause de rattrapage sur 2 ans permettant d’ouvrir les droits en cas d’accident de parcours ;
- la généralisation du cachet à 12h pour les artistes et réalisateurs ;
- un élargissement de la prise en compte des heures d’enseignement données, y compris pour les techniciens, et dans un champ d’établissements beaucoup plus important ;
- la neutralisation des baisses d’indemnisation après un congé maternité ;
- un début de prise en compte des arrêts maladie concernant les affections de longue durée ;
- une amélioration de la clause de maintien de droit jusqu’à l’âge de la retraite ;
- la mise en place d’une commission de suivi et de recours pour les problèmes à la fois collectifs et individuels.
Les employeurs ont dû concéder une augmentation de la cotisation patronale de 1% et la fin des abattements pour frais professionnels.
L’accord a trouvé un équilibre à partir de plusieurs éléments :
- un différé correspondant au nombre de jours de congés payés ;
- un abaissement du plafond de cumul allocation et salaires de 1,4 à 1,18 plafond sécu (soit 3797€ par mois sur 3 mois glissants soit 11392€ sur 3 mois).
L’accord ne respecte toutefois pas la lettre de cadrage financier proposée fin mars par le Medef (cf. fil d’actu au 24 mars), si bien que l’Unedic, qui gère l’assurance chômage, pourrait faire barrage les semaines à venir.
Jeudi 28 avril à 00h50 – Communiqué des occupants de la Comédie-Française.
« Les occupant-e-s de la Comédie Française se sont entretenu-e-s aujourd’hui avec une centaine de salarié-e-s du théâtre lors d’une assemblée générale. Cette occupation a permis d’ouvrir une discussion et ce, malgré la présence de la direction et du climat d’auto censure que cette dernière génère. Face à la menace de blocage du spectacle « Roméo et Juliette » la direction a décidé d’annuler la représentation de ce soir ce qui a mis fin à l’assemblée générale. […]
Nous ne nous contenterons pas d’un accord bradé, nous maintenons notre position : 100% des chômeurs indemnisés, un jour chômé = un jour indemnisé, aucune économie sur le dos des chômeurs et des précaires, exclusion du Medef de l’Unedic en attendant une refonte du paritarisme. Nous dénonçons les violences policières de ces dernières semaines. Ainsi que le siège « sécuritaire » que subit le théâtre de l’Odéon depuis maintenant 5 jours, ceci empêchant une nouvelle fois la tenue d’une AG libre et ouverte à tous. »
Mercredi 27 avril à 17h – Communiqué des occupants de l’Odéon qui mêle toutes les luttes :
« Nous sommes plus que jamais déterminés à continuer d’occuper l’Odéon. Les négociations de l’assurance chômage sur les annexes 8 et 10 viennent de reprendre. Au delà de ces négociations sectorielles, nous n’oublions pas ce qui se trame pour nos droits sociaux collectifs. Il est demandé 800 millions d’euros d’économies sur le dos de l’ensemble des chômeurs : cela est inacceptable ! Ces attaques permanentes aux droits des chômeurs donnent au patronat le pouvoir d’imposer des conditions de travail indécentes, que le gouvernement entend légaliser par la Loi Travail. Tout comme nos camarades occupant la Comédie-Française, nous sommes actuellement en train de discuter avec les salariés permanents et intermittents de ces théâtres de la réponse à faire à ces attaques. »
Mercredi 27 avril à 15h – Les revendications se précisent. Voici un extrait du communiqué de la CIP Île-de-France ‘‘de la 18e heure d’occupation de la Comédie-Française’’ : « Nous réaffirmons notre complet désaccord avec le cadrage imposé par le Medef, nous exigeons l’indemnisation de l’intégralité des chômeurs. Un jour chômé égale un jour indemnisé. Nous n’accepterons jamais la moindre économie faite pour sur le dos des plus précaires. »
Toujours en désaccord complet avec le document de cadrage « imposé par le MEDEF », les CIP prévoient diverses AG ce soir, comme à l’Odéon ou à la Comédie-Française.
Mercredi 27 avril – Occupation de la Fémis à Paris par des étudiants en art de plusieurs écoles.
« Nous, étudiant.e.s d’art en lutte, occupons actuellement la Fémis. Tout comme les intermittent.e.s occupent les théâtres nationaux, en tant qu’étudiant.e.s nous occupons, cette école du Ministère de la Culture. Loin de vouloir nous enfermer dans l’école, nous cherchons au contraire à en ouvrir toutes les portes à tous les étudiant.e.s d’art qui souhaiteraient lutter avec nous. Nous affirmons ainsi notre solidarité avec la mobilisation en cours qui prend feu dans les centres dramatiques nationaux et qui demain, prendra la rue. »
Mercredi 27 avril 12h – Le Grand T, théâtre de Nantes, annonce publiquement son soutien au régime de l’intermittence, sans néanmoins prendre parti sur les occupations en cours.
« Comme tous les théâtres publics, Le Grand T ne pourrait fonctionner sans le régime de l’intermittence, dont relèvent la plus grande partie des artistes et techniciens qui se produisent sur ses plateaux. Sans ce régime spécifique d’indemnisation chômage, les spectacles que chacun peut voir aujourd’hui au Grand T n’existeraient plus, tout simplement. Employeurs et salariés du spectacle vivant sont déterminés à sauver ensemble ce régime indispensable à la survie de leur secteur d’activité, en proposant des modalités plus vertueuses, plus équitables et plus durables pour son fonctionnement. »
Mercredi 27 avril matin – L’occupation concerne donc sept villes à ce jour : Toulouse, Montpellier, Caen, Bordeaux, Paris, Lille et Strasbourg. Avignon s’est également distingué non pas par une occupation de théâtre mais par une occupation de Pôle Emploi, et Nantes par celle d’une Fnac.
La CIP maintient ses appels : « Nous appelons à la grève générale et au blocage économique par tous les moyens possibles, jusqu’à ce que nos propositions soient entendues et mises en œuvre » ; la CIP annonce surtout clairement ses ambitions d’un mouvement d’ampleur : « Ce que nous défendons, nous le défendons pour tous ! »
Mardi 26 avril – Le Théâtre National de Strasbourg (TNS) est à son tour occupé par les intermittents, tandis que l’institution elle-même héberge le mouvement.
Mardi 26 avril – Une cinquantaine d’intermittents bloque le théâtre de la Comédie-Française à Paris, ce qui oblige l’institution à annuler sa représentation de Lucrèce Borgia. Les participants réclament de pouvoir tenir une AG ; ils y parviennent, deux jours après les événements du théâtre de l’Odéon.
Lundi 25 avril à 17h45 – La CGT-Spectacles bloque l’entrée de la Fnac de Nantes à grand renfort de banderoles.
Lundi 25 avril matin – Occupation d’un Pôle Emploi à Avignon par les intermittents.
Lundi 25 avril matin – À Strasbourg, les cibles d’actions sont doubles : théâtres d’un côté, Pôle Emploi de l’autre ! L’opacité de gestion de l’Unedic est dénoncée par les intermittents présents dès 10h30 ce lundi matin devant les locaux de l’institution. Ils sont soutenus dans ce mouvement par le Théâtre National de Strasbourg (TNS) qui leur sert de QG.
Lundi 25 avril matin – La coordination Interluttants – 59/62 vote l’occupation du théâtre du Nord à Lille. Là aussi, l’occupation est « symbolique » comme le précise son directeur Christophe Rauck au journal 20 Minutes.
Lundi 25 avril – Début de la « grande semaine » des intermittents en lutte, avec la volonté de mêler leur voix à celles des protestataires contre la Loi El Khomri. Diverses actions et manifestations sont prévues :
- Grève générale
- Reconduction des occupations de théâtre
- Appels à manifester jeudi 28 au sein des cortèges défilants en opposition à la Loi Travail
Dimanche 24 avril – À la suite de plusieurs villes de province, Paris entre enfin dans la lutte ! Les intermittents investissent le théâtre de l’Odéon, bientôt rejoints plus largement par les manifestants de Nuit Debout. Le mouvement est toutefois réprimé par les forces de l’ordre bientôt présentes sur place.
Mercredi 20 avril – Une vingtaine de manifestants appartenant à la Koordination des intermittents du Calvados (Kic) occupent la Comédie de Caen, centre dramatique national de Normandie. Une manifestation a eu lieu lundi. Dans le même temps, les participants rejoignent aussi le mouvement Nuit Debout sur la place Saint-Sauveur.
Mardi 19 avril – Cinq intermittents occupent une salle du Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine.
Dimanche 17 avril – La Commission des Intermittents et Précaires, Recours Radiation et les Matermittentes lancent leur appel :
« Depuis 30 ans, les gestionnaires de l’assurance chômage détournent nos cotisations, contractent des emprunts sur les marchés financiers, fabriquent la dette au seul profit des créanciers. Et, aujourd’hui, sous pression de Bruxelles, le gouvernement demande de faire 800 millions d’euros d’économies par an sur le dos des chômeurs, au nom de cette dette. Ce système-dette n’est qu’un outil pour précariser encore davantage nos existences. »
Vendredi 15 avril – La Ministre de la Culture Audrey Azouley qualifie de « provocation » les tentatives de cadrage financier autour de 185 millions d’économies prévues.
Mercredi 13 avril – Les intermittents occupent le Centre d’Art Dramatique Humain Trop Humain de Montpellier. Le mouvement se déroule toutefois sans bloquer les spectacles. Ces occupations de théâtres qui s’étendent un peu partout en France sont perçues comme des « occupations symboliques » selon le mot d’une comédienne de Montpellier.
Mardi 12 avril – Occupation du théâtre des 13 vents à Montpellier par une trentaine de personnes
Samedi 9 avril 2016 – Manifestation nationale contre la Loi Travail « visant à instaurer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ». D’inspiration sociale-libérale, la loi suscite diverses protestations, des cortèges de manifestants au mouvement Nuit Debout.
L’assemblée générale de la coordination des intermittents et précaires de Midi-Pyrénées (CIP MP) et de Droit au Logement (DAL) vote l’occupation du Théâtre National de Toulouse. Une action en « partenariat » avec Nuit debout.
Un membre du CIP de Toulouse que nous avons pu contacter nous confie : « Dès le début, on a été très proche de Nuit Debout, on s’est associé même si, à titre personnel, je n’ai pas été à Nuit Debout tous les soirs, je suis souvent à la CIP ». À la CIP, l’organisation est horizontale : « on n’a pas de représentants ni de délégués ».
Jeudi 24 mars – Un document de cadrage est arrêté par le patronat avec l’accord timide de la CFDT, la CFTC et de la CGC : il prévoit 185 millions d’euros d’économies en année pleine sur le régime des intermittents, soit une réduction de l’ordre de 15 % des dépenses actuelles. Qui plus est, le document envisage à moyen terme de ramener le ratio dépenses/recettes des 4,1 actuels à 3 d’ici 2020 ce qui implique nécessairement de nouvelles économies non-encore détaillées aujourd’hui. À l’opposé, la CGT et FO font entendre leur vive opposition à cet accord en raison de l’effort financier jugé trop important mais également du fait de ces économies non-budgétées aujourd’hui et qui seront certainement sur la table après la présidentielle de 2017. La CIP donne raison à ces deux derniers syndicats : la gronde commence.
Marie MOULIN
(Actualisation : Profession Spectacle)
Pour aller plus loin : un débat régulièrement ravivé
Le régime des intermittents est une fois de plus sous le feu des projecteurs en raison de son déficit : 2003, 2014, les mobilisations actuelles s’inscrivent dans une longue histoire. Le débat qui sous-tend cette volonté de réforme est celui de la non-soutenabilité du régime des intermittents. Celui-ci accuse un déficit d’environ 1 milliard pour 3 % environ des cotisations sociales selon le chiffre strictement comptable du Rapport annuel de 2012 de la Cour des Comptes. Il doit néanmoins être confronté aux divergences de chiffres : 320 M€ selon l’Unedic qui obtient ce coût par différentiel avec le régime général. Si les intermittents étaient inscrits au régime général, il faudrait toutefois continuer de les indemniser, ce qui rapporte le déficit propre au régime à 320 millions.
En dépit d’un déficit élevé de leur régime, les intermittents ne sont pas des privilégiés : s’il est tentant de voir l’organisation de la protection sociale comme un « système » parfois machiavélique, il n’en est rien. Par rapport au régime général, le régime des intermittents donne droit à une indemnisation plus longue en proportion (8 mois indemnisés pour 3 mois travaillés contre un ratio de 1 pour le régime général) mais plus difficile à acquérir : vous devez justifier 507 heures de travail sur 10 mois pour les intermittents, contre 610 heures sur 28 mois pour le régime général. Alors, vous préférez quoi ?
Qui porte la lutte ? Aujourd’hui, le grand leader du mouvement de protestation est la CGT-spectacle, organisation qui, à l’ouverture des négociations en février, se disait pourtant prête à un effort de 85 millions d’économies. Le point de rupture est donc le cadrage financier. Idéologiquement, les organisations syndicales s’opposent en outre sur la question : « qui va payer ? ». De fait, les cotisations patronales pour ce régime spécial sont deux fois supérieures à la moyenne ce qui explique qu’une augmentation de charges ait été exclues du document de cadrage financier. Si d’aucuns regrettent l’influence du MEDEF sur ce document de cadrage, d’autres se demandent : un Ministère du Travail, qui par la voix de François Rebsamen avait promis de « sanctuariser le régime des intermittents », va-t-il acter la part de dépenses de l’État nécessaire à ce régime ou laisser au Ministère de la Culture le soin de faire des promesses et des chèques réguliers à la profession en période pré-électorale ?
La mobilisation des intermittents est donc double : d’une part il s’agit d’éviter les 185 millions d’économies prévues, d’autre part il s’agit d’orienter la résolution à venir de la question du ratio de dépenses. Diminuer les dépenses, augmenter les recettes, mais par quel(s) moyen(s) ? Face à cette dernière interrogation, mêmes les organisations syndicales prêtes à un accord avec le patronat invitent l’exécutif à prendre ses responsabilités en abondant financièrement une partie de l’assurance chômage des intermittents. Dans le contexte pré-électoral, les artistes sont pris en otage entre les différents blocs politiques. La ministre de la culture proche de François Hollande et de Julie Gayet les a pris sous son aile à un an de l’élection présidentielle, faisant du secteur une chasse gardée face à la « majorité gouvernementale » qui sera jugée en partie sur sa capacité de réforme.
Et si la soutenabilité du modèle était à inventer au-delà des seuls ratio Unedic ? Le ratio certes désastreux de l’assurance chômage des intermittents n’a pas pour seul déterminant les montants respectifs des recettes et des dépenses. Ces deux derniers montants sont effet eux-mêmes déterminés par la santé économique du secteur culturel dans son ensemble d’une part et par les usages contractuels en vigueur dans le secteur par exemple. Ainsi les « permittents », intermittents permanents sont les exclus du CDI, et représentent environ 4 % des inscrits au régime des intermittents… Dans ces conditions, ne serait-il pas judicieux de réformer l’économie du spectacle de manière plus large ?
Marie MOULIN